mardi 27 septembre 2016

Oltréé!


Je l'avoue sans honte, en tant que Maître de jeu, le médiéval fantastique n'est pas vraiment ma tasse de thé. Il faut dire que je n'ai pas encore trouvé un jeu qui me satisfasse entièrement pour émuler ce genre particulier. Donjons et Dragons propose un courbe de niveaux beaucoup trop rapide à mon goût, RuneQuest est vraiment très meurtrier, les systèmes de Rêve de Dragon ou d'Agone sont complexes à mettre en oeuvre et l'Oeil Noir a un côté naïf qui m'exaspère, même si je lui reconnais d'indéniables qualités dès lors qu'on l'utilise pour des parties de découverte.

Bref, si DC Heroes est devenu mon jeu fétiche pour les histoires de Super-Héros, je cherche toujours le jeu qui remplira ce rôle pour le med-fan. Dans cette quête sans fin, j'en suis venu à m'intéresser à quelques rétroclones, sortes de cousins éloignés de Donjons et Dragons, qui bénéficient d'un lifting plus ou moins réussi. Oltréé! fait partie de cette catégorie de jeux, mais le lifting est tellement profond et réussi qu'on peut difficilement reconnaître les traces des grands anciens dans ce rejeton tout neuf et propre sur lui...

Dans Oltréé!, les joueurs incarnent des patrouilleurs, un ordre d'élite établi par un Empire aujourd'hui en déliquescence. On peut même dire qu'il s'agit d'un des derniers bastions de cet Empire qui est tombé face aux créatures maléfiques du Roi-Sorcier et aux hordes de cavaliers venus de l'ouest lointain. Aujourd'hui, le Roi-Sorcier est tombé (du moins est-ce la rumeur), et des communautés éparses survivent tant bien que mal dans les contrées en ruine de l'Empire, redevenues sauvages.

La mission des patrouilleurs est simple : explorer les territoires sauvages, retisser des liens entre les villes et villages isolés, retrouver des artefacts anciens, et repousser les ennemis de l'Empire. Au cours de leur périple, ils seront amenés à explorer des ruines anciennes, à combattre des créatures féroces, mais devront aussi affronter la disette et la maladie.


L'originalité d'Oltréé! repose sur de nombreux éléments. Je vais me contenter de vous présenter les plus marquants d'entre eux :

- Le monde d'Oltréé! est construit collaborativement : chaque fois qu'ils explorent un territoire, les joueurs sont amenés à piocher des cartes "Patrouille" qui leur permettent de décrire les obstacles, les découvertes et les rencontres qu'ils font. Bien sûr, le Maître de Jeu a déjà dessiné les contours de la carte et créé quelques communautés, PNJs, et ruines majeures, mais une grosse partie du territoire est un terrain qui se découvre au fur et à mesure du jeu. Mais ce n'est pas tout. En jouant d'autres cartes, les PJs peuvent aussi intervenir dans la narration pour y ajouter des éléments en leur faveur, et parfois, en leur défaveur.

- En effet, les joueurs disposent de cartes "Exaltation" qui peuvent leur servir de joker en cas de jet raté, mais qui peuvent également être jouées dans un contexte précis. Ils peuvent par exemple jouer une carte pour "connaître depuis longtemps" un PNJ qu'ils viennent juste de rencontrer : "Eh, mais c'est ce bon vieux Oldarick, voilà des années que je ne l'avais plus croisé!".  De plus, dans Oltréé!, les échecs critiques n'existent pas. Ils sont remplacés par des cartes de "Persécution". Ces cartes sont négatives et visent à compliquer la vie de personnages joueurs. Ce sont donc eux-mêmes qui décident quand ils vont rencontrer des difficultés supplémentaires. On pourrait croire que ce type de carte sera peu jouée, mais il n'en est rien : d'abord, parce que leur effet est indéniablement amusant, et ensuite parce qu'en récompense, les joueurs reçoivent de nouvelles cartes "Exaltation".

- Autre originalité, les patrouilleurs ne sont pas enfermés dans des classes de personnage rigides qui vont décider de leur carrière à jamais. Au contraire, tous les personnages ont accès à 16 métiers différents, ce qui leur permet d'être "multiclassés" dès le départ, en faisant de la magie, tout en ayant des compétences de voleur et de guerrier. Si on devrait rapprocher Oltréé! d'un jeu vidéo, il ferait indéniablement penser à Skyrim. 

A la lecture, Oltréé! est très enthousiasmant. Il y a plein de bonnes idées, et c'est une véritable boîte à outils qui est mise à la disposition du meneur de jeu. Cependant, j'avoue avoir eu quelques doutes quant à la mise en oeuvre de toutes les petites règles éparpillées ça et là dans le manuel, et aussi quant à ma capacité à improviser et à rebondir sur les idées des joueurs... J'avais donc prévu un "crash test" dimanche dernier afin de mettre tout ça en pratique.

A cette occasion, j'ai pu constater que ce jeu est un petit bijou de game design : oui, il y a plein de petites règles à appliquer et à retenir, mais l'écran du MJ, les feuilles de personnage et même les cartes sont pourvus d'aide-mémoires adéquats, ce qui permet de ne jamais être totalement perdu.

A chaque partie d'Oltréé, les joueurs sont invités à définir leur objectif. Pour cette première partie, le premier objectif des patrouilleurs a été de retrouver un fortin dans la région et de le sécuriser afin d'en faire leur base d'opération. Ils avaient une indication assez vague de la localisation du fortin, et ils se sont mis assez rapidement en route pour atteindre la région en question. Là, les patrouilleurs ont rencontré une caravane commerciale qui a pu les renseigner sur deux communautés locales, une cité humaine et une communauté naine. Après avoir escorté la caravane un moment, les patrouilleurs se sont remis à la recherche du fortin, mais n'ont dans un premier temps trouvé qu'un ancien tumulus nain habité par des ours sauvages mutants et menant à un réseau de cavernes peuplées par une tribu de kobbolds. Après quelques péripéties, ils ont fini par localiser et par prendre d'assaut le fortin, occupé par un groupe d'une quinzaine d'orques.

L'un dans l'autre, on peut dire que cet essai a été concluant. Il reste juste une inconnue : le jeu va-t-il rester intéressant une fois que les personnages auront atteint un haut niveau ?  Seul le temps pourra répondre à cette question, mais une chose est sûre : dès leur premier niveau, les patrouilleurs sont des ennemis redoutables, que les créatures des terres sauvages ont bien du mal à mettre en difficulté. Paradoxalement, le plus grand danger qui pèse sur eux, c'est la disette : lorsqu'ils parviennent au bout de leurs ressources, les personnages voient s'accumuler les malus, ce qui les fait passer du statut de héros imbattable à celui de simple mortel luttant pour sa survie...

Quoiqu'il en soit, les quatre joueurs qui ont testé Oltréé! avec moi ont immédiatement resigné pour une deuxième partie. Que demander de plus ?

mardi 13 septembre 2016

Retour aux sources




Il y a quelques mois, j'ai décidé de me remettre au jeu de rôle. Cela faisait longtemps : j'avais mis ce loisir de côté pour l'échanger contre des plaisirs plus immédiats, comme le jeu de plateau ou le jeu vidéo... 

On ne s'en rend pas compte au départ, mais chacun de nous met sa vie entre parenthèses au moment de faire des enfants. Les heures consacrées aux loisirs deviennent des moments partagés en famille, et même si notre intention première est de ne pas mettre de côté ce qui nous a apporté beaucoup de joie, il est malaisé de concilier parentalité et parties de jeu jusqu'à 2 heures du matin.

Cependant, l'adolescent a d'autres besoins : il souhaite avant tout qu'on le laisse en paix pendant qu'il dévore des romans de bit-lit par douzaine, regarde ses séries préférées sur Netflix, ou joue à League of Legends avec ses camarades. La fonction de parent se réduit alors à la logistique entourant ces diverses activités : pour autant que le wifi reste allumé, leur absence du domicile pendant quelques heures est à peine remarquée par la marmaille, trop heureuse de profiter de cette autonomie.

Mais l'autonomie de mes ados n'est évidemment pas le facteur principal qui me fait replonger dans la marmite originelle du jeu de rôle. Après presque 8 ans consacrés jeux vidéos, j'ai en effet l'impression d'avoir fait le tour de ce média qui se renouvelle assez peu, en dehors de la performance graphique de plus en plus photo-réaliste.

J'ai donc repris le chemin des livres de règles il y a quelques mois, à la recherche d'un système et d'idées pour relancer quelques parties de jeux. J'ai ainsi parcouru quelques jeux de ma ludothèque auxquels je n'avais pas encore accordé l'attention qu'ils méritaient : Sens, Shayo, Within, Oltréé et Sombre...

Mon idée, au départ, était de rassembler quelques anciens joueurs autour de notre table de salon. Cependant, le déménagement de la Guilde de l'Opale Noire dans un local situé à Farciennes m'a offert l'opportunité de reprendre contact avec les membres de ce club, pour lequel j'avais écrit, dans les années 2000, quelques scénarios pour leurs "24 heures de jeu de rôle".

C'est donc à la Guilde que j'ai maîtrisé "Sombre" pour la première fois le week-end dernier. Il s'agit d'un jeu dont les protagonistes principaux, interprétés par les joueurs, sont des personnages de films d'horreur, à savoir des victimes. Les règles sont calibrées en fonction de ce canon, et au fur et à mesure de l'avancement de la partie, les caractéristiques des joueurs diminuent drastiquement, les plongeant peu à peu dans la folie et la déchéance physique. Le jeu s'est avéré suffisamment fluide pour que tout le monde comprenne son fonctionnement d'emblée. Seul bémol : trois personnages sur quatre ont survécu au scénario, ce qui me paraît beaucoup (les jets de dés des joueurs ont été particulièrement chanceux).

Dans le même élan, j'ai ressorti mes figurines, et mes pots de peinture. J'ai en effet en réserve des centaines de figurines de marques diverses qui n'attendent que mon bon vouloir pour être montées et mises en valeur.

Pragmatique, j'ai commencé par terminer quelques modèles commencés il y a de longs mois et stockés ça et là dans mes armoires. Le but est de me refaire la main avant de me lancer dans des projets plus sérieux. Assez étonnamment, je n'ai pas trop perdu de ma dextérité, et ce sont plutôt mes yeux qui me posent problème : désormais, pour peindre comme pour lire, il faut que je chausse mes lunettes...