mardi 9 décembre 2025

Mon Appendix N - deuxième partie - les romans de science-fiction

Comme le dit le dicton, il vaut mieux battre le frère tant qu'il est encore chaud.  C'est la raison pour laquelle je préfère ne pas trop tarder pour publier la deuxième partie de mon Appendix N, consacrée cette fois aux romans de science-fiction.  Ce genre est forcément beaucoup plus varié que le genre de la fantasy, qui est assez formaté: on retrouve sous le genre de la science fiction aussi bien des romans d'anticipation que des oeuvres de space-opera, ou encore des romans cyberpunk.  

Comme pour les livres de fantasy, je vais présenter ma sélection en deux parties: les classiques, que j'ai lus il y a de nombreuses années, et les modernes, oeuvres qui ont généralement été écrites à partir de la fin des années 1990.

 

Les classiques

Je ne vais pas vous faire l'injure de vous présenter en détail "Dune" de Frank Herbert: il a été réadapté au cinéma il y a peu, nul doute que vous en avez entendu parler.  Et oui, ça vaut la peine de lire le livre malgré tout, car une partie essentielle du récit se déroule dans la tête des protagonistes, ce que le cinéma ne parvient pas totalement à mettre en scène valablement.  Le reste du cycle est de qualité variable, mais je vous recommande d'aller jusqu'à "l'empereur dieu de Dune", qui est vraiment très bien.  


Beaucoup moins connu, le cycle de "Tschaï" de Jack Vance est une série de quatre livres qui met en scène un éclaireur qui est écrasé sur une planète hostile.  Il va devoir être ingénieux, pour parvenir à se procurer un vaisseau et rentrer chez lui.  

"1984" de Georges Orwell, "Le meilleur des mondes" d'Aldous Huxley et "Le travail du furet" de Jean-Pierre Andrevon ou encore "Les monades urbaines" de Robert Silverberg sont de bonnes références de romans dystopiques.  

Impossible de passer à côté de l'intégrale des "Nouvelles" de Philip K. Dick: cet auteur a eu un impact énorme sur le genre de la science-fiction.  On lui doit notamment Blade Runner, Minority Report, Paycheck, etc.  Il est meilleur sur la forme courte: ses romans sont moins intéressants. 


Bon, tant qu'on en est à parler de nouvelles, les cycles des "Robots" et de "Fondation" d'Isaac Asimov sont également de bonnes références, même si on reproche souvent à cet auteur de mal écrire les personnages féminins.  Il est effectivement assez mauvais pour cela, mais il reste intéressant à lire malgré tout, comme source d'inspiration. 

Je ne voudrais pas que vous pensiez que la science-fiction, c'est obligatoirement sérieux.  "Le guide du routard galactique" de Douglas Adams est une oeuvre humoristique qui a également été adaptée au cinéma.  On y suit les péripéties d'un terrien qui est emporté dans l'espace quelques secondes avant la destruction de la planète Terre par une race extraterrestre, pour faire passer une autoroute hyperspatiale...    

"La Guerre éternelle" de Joe Haldeman est également un roman incontournable, considéré comme militariste par les uns et anti-militariste par les autres...  Vous vous ferez votre opinion.  


"Révolte sur la Lune" de Robert Heinlein met en scène une histoire de révolution par les habitants de la Lune, qui sont soutenus par une intelligence artificielle.  

"Les dépossédés" d'Ursula Le Guin est un roman qui met l'accent sur la colonisation.  Le roman fait partie d'un cycle, mais peut être lu séparément.  

La même chose vaut pour "Hypérion" de Dan Simmons: si le premier roman est plutôt intéressant, les trois suites sont largement dispensables. 


Les modernes

Le cycle de la "Culture" de Iain Banks est une sorte de fresque spatiale dont chaque roman peut être lu séparément.  Ils ont toujours pour cadre la Culture, une société interplanétaire assez utopique, dirigée par des IA de vaisseaux, qui a tendance à s'étendre et englober les autres civilisations.  Comme il y a peu de problèmes au sein même de la Culture, la plupart des romans ont pour cadre des événements qui se passent au-delà de ses frontières, et mettent en scène des agents de "Contact" (le corps diplomatique de la Culture) et de "Circonstances spéciales" (son service d'espionnage).  

"Au Tréfonds du Ciel" de Vernor Vinge raconte l'histoire d'une expédition vers l'étoile "marche-arrêt", un astre qui a de fortes variations de températures.  Sur place, l'équipage va rencontrer une autre civilisation qui a dû s'adapter à cette réalité.  

"Vurt" de Jeff Noon est un roman cyberpunk dans un univers assez déjanté, dont on a tiré un jeu de rôle.  


"Le vieil homme et la guerre" de John Scalzi est un cycle de science-fiction qui n'est pas sans rappeler la guerre éternelle, mentionné plus haut.  Ici, on suit un vieillard qui s'engage dans les forces spatiales, qui lui offrent une nouvelle carrière dans un nouveau corps, même si son espérance de vie est assez courte.  Il y a quatre romans et deux recueils de nouvelles en tout.  

Dans "Spin" de Robert Charles Wilson, la Terre se voit tout à coup entourée d'une membrane qui la coupe du reste de l'univers, avec des conséquences un peu particulières.  

"L'étoile de Pandore" de Peter F. Hamilton repose sur un postulat similaire, sauf qu'ici c'est une étoile très lointaine qui est tout à coup enfermée dans une sphère de Dyson.  Une expédition est montée pour essayer de comprendre ce qui a pu causer cela.  

"Ta-Shima" de Adriana Lorusso est un roman centré sur une seule planète dont la flore et la faune sont extrêmement dangereuses.  L'autrice base toute son intrigue sur le retour d'une habitante de cette planète, qui retrouve avec un plaisir mitigé sa culture de naissance.  


"L'espace d'un an" (et ses suites) de Becky Chambers propose un space opera moderne et progressiste, avec des récits très centrés sur les personnages.  Attention: l'autrice utilise le pronom "iel" à toutes les sauces.  Si vous y êtes allergique, mieux vaut passer votre chemin.

"L'échelle de Darwin" et "les Enfants de Darwin" de Greg Bear est un duo de romans ayant pour thème l'évolution de l'espèce.  

J'hésite à vous recommander le cycle de "Honor Harrington" de David Weber: d'un côté, il transpose de façon assez originale dans un univers de science-fiction les récits de voile de l'époque napoléonienne, mais de l'autre, il tire un peu en longueur, avec plusieurs spin-offs qui s'entrecroisent.  Je vous recommande en tout cas de lire les 4 ou 5 premiers romans. 


Le mot de la fin

Ceci termine mes recommandations pour les romans de science-fiction.   N'hésitez pas à mettre en commentaires vos propres recommandations de lectures, ça peut toujours m'intéresser.  



dimanche 7 décembre 2025

Portrait de famille - Mystara pour AD&D 2ième édition

Une chronique de Jean-Luc Barbera

Portait de famille aujourd'hui sur une gamme de AD&D2 (enfin deux gammes techniquement), enfin pas tellement car il est question de Mystara, qui est le nouveau nom du Known World de D&D Basic.


La gamme D&D basic était en déclin depuis plusieurs années, et elle s'est plus ou moins arrêtée en 1993. Seule une nouvelle boite d'introduction sortira en 1994 et sera rééditée plusieurs années, mais pas d'autres produits. Cela aurait pu être la fin du Known World, mais il est décidé que cet univers allait être adapté à AD&D2. Cela n'est pas forcément une très bonne idée, car à sortir un univers chaque année quasiment pour AD&D n'encourage pas les acheteurs à suivre toutes les gammes (et une des raisons des difficultés économiques qui commençaient à poindre leur nez pour TSR).

1994 voit arriver une grosse boite, Karameikos Kingdom of Adventure par Jeff Grubb et Aaron Allston (encore lui) et Thomas M. Reid. D'après ce que j'avais lu, il était plutôt prévu au départ de sortir une boite présentant l'univers dans son ensemble, à l'image de ce qui se faisait pour les autres univers. Finalement cela a changé et c'est finalement une boite axée sur le Grand Duché qui va sortir, à l'image du premier Gazetteer pour D&D. En tout cas, il y a un chapitre sur les autres contrées du Known World (qui devient en fait la partie bien décrite et "connue" pour le coup de Mystara), ce qui laisse à penser que c'était prévu autrement au départ. Il y a un gros livre de 128 pages de background (soit 2 fois plus que le Gazetteer original) qui update aussi la timeline et notamment les événements de la boite Wrath of the Immortals. Ce n'est pas trop crunchy, peut être pour essayer de contenter tout le monde (ceux qui jouent toujours en Basic et ceux qui jouent à AD&D2). Il y a aussi un livret de 32 pages contenant deux scénarios, des grandes cartes évidemment et des aides de jeu à distribuer aux joueurs, ainsi qu'un CD Audio. TSR a commencé a expérimenté cela sur un produit Ravenloft Light in the Belfry et de First Quest. Le CD contient des pistes de dialogues, de musiques voire de bruitages à passer au moment approprié quand c'est indiqué dans le scénario. Cela va être le cas de tous les produits à venir pour Mystara.

La même année, sort un Monstrous Compendium Mystara Appendix par John Nephew, Teeywynn Woodruff, John Terra et Skip Williams qui ont été chargés de compiler et convertir à AD&D2 une quinzaine d'années de monstres pour D&D parus au fil des différentes boites et modules, en plus d'écrire la partie background qui est toujours au cœur des Monstrous de AD&D2. Il y avait déjà eu des compilations pour D&D pour faciliter la tâche du MD avec le AC9 Creature Catalogue en 1986 et le DMR2 Creature Catalog en 1993. Ce Monstrous est par contre beaucoup plus imposant grâce au background ajouté. C'est la première fois qu'un certain nombre de monstres qui existent depuis longtemps apparaissent dans AD&D, ayant toujours été d'une certaine façon "réservés" à D&D Basic auparavant.

Toujours en 1994, on va avoir deux scénarios de bas niveaux. Les deux sont structurés de la même façon. Un livret dans une boite, qui contient aussi une carte, des aides de jeu destinés aux joueurs, et un CD audio (de la même façon, des pistes de certains dialogues, de musique et autres à passer à un moment donné).

Le premier est Hail the Heroes par Tim Beach qui est en lien avec un des nouveaux romans de la gamme. Cela se déroule évidemment à Karameikos, et on a ici un scénario d'investigation avec un peu de dungeon crawl à la fin.

Le second est Night of the Vampire par Richard Baker, et oui il est bien question d'un scénario avec un vampire pour des personnages bas niveau. C'était imposé à l'auteur qui a du se débrouiller pour que cela soit possible. Cela se déroule dans Karameikos, mais l'aventure se déroule dans un nouveau non décrit. Le scénario est assez varié, sandbox et événements. Mais avec le côté Europe de l'est de Karameikos, il faut dire que c'est pas mal pour l'ambiance.

Pour finir l'année , on va avoir un troisième Poor Wizard's Almanac, cette fois-ci estampillé AD&D et Mystara.

Parallèlement, en 1994, il y a une autre gamme qui commence, c'est Red Steel. Et en fait, c'est du Mystara également, même si on y voit pas le logo. C'est une Campaign Expansion box, qui décrit la Côte Sauvage qui avait commencée à être décrite dans plusieurs modules de la série X (voir le portrait de famille de la série X), mais aussi dans le récit de Voyage of Princess Ark. Cette zone sauvage se trouve entre deux péninsules, celle du Serpent dont il y a eu un module en particulier, et la péninsule de la Tête de l'Orque. Il est proposé de pouvoir l'intégrer à n'importe quel univers (ce qui ne sera pas facile, car la Savage Coast fait plus de 2000 miles de long, pas facile à intégrer dans un univers existant), donc c'est un drôle de choix, même s'il est bien précisé qu'elle a sa place dans Mystara. La boite est faite comme celle de Karameikos avec deux livres de 128 pages et 32 pages, avec grandes cartes et CD audio. Par contre, le gros livre est ici principalement du crunch, et le petit est du background. Il y a des races exotiques, des kits, et tout un tas de trucs pour les pjs, y compris des nouveaux équipements comme des armes à poudre (il y a un côté cape été d'épée dans Red Steel, on trouve d'ailleurs la main gauche et la rapière avant que cette dernière ne soit popularisée avec la troisième édition). Il est question de la Red Curse qui donne son nom à la boite, une substance rouge qui peut donner de grands pouvoirs mais peut coûter très cher à la personne qui l'utilise (comme il est dit sur la couverture de la boite "Power has a price !"). Le CD contient donc juste des musiques d'ambiance.

Mais trop de gammes tuent les gammes, et l'année 1995 verra un peu moins de publications pour Mystara, mais surtout les dernières sur cet univers.

On va avoir une deuxième boite à l'image de celle de Karameikos, cette fois-ci c'est Glantri Kingdom of Magic par Monte Cook (je vous avais dit que Karameikos et Glantri étaient les deux gazetteers les plus populaires, ce n'est donc pas étonnant). Elle est structurée de la même façon que celle de Karameikos, mais elle va énerver les fans, car Cook va changer certaines choses bien établies dans le Gazetteer de Bruce Heard (qui est pourtant présent). La boite sera la dernière alors qu'il en était prévu beaucoup d'autres. Certains éléments à l'intérieur laisse à penser que la suivante aurait été Darokin The Kingdom of Gold, et que certains éléments auraient été inclus dans celle-ci quand il est devenu évident qu'il n'y en aurait pas d'autres. Il y a aussi un peu plus de crunch cette fois-ci (kits, objets magiques, sorts, compétences...). La timeline est avancée évidemment également. Le scénario est très lié car il est question de rentrer dans une école de magie pour une histoire de meurtre qui va retomber sur la tête des PJs.

Il n'y aura qu'un scénario pour supporter la boite Glantri, il s'agit de Mark of Amber par Aaron Allston, Jeff Grubb et John D. Rateliff. Même structure de boite, avec aides de jeu et CD audio, il est conçu comme une suite au fameux module X2 Castle Amber, et concerne donc la famille Ambreville d'Averoigne. C'est un gros scénario sandbox avec de l'intrigue et de l'enquête, et des événements pour épicer tout ça.

Il va sortir ensuite un dernier almanac qui change de narrateur et de nom, le 

Joshuan's Almanac, mais ce sera le dernier de la série et le dernier produit estampillé Mystara. Bruce Heard annoncera que la gamme allait être en arrêt quelques temps mais il n'y aura plus de publications Mystara, mis à part ce qui suit.

Enfin, du côté Red Steel, on a une extension, avec la sortie de Savage Baronies par Tim Beach. Cette boite va surtout s'intéresser aux régions humaines de la Côte Sauvage, c'est les baronnies en question et l'inspiration est ici Espagne et Portugal fin moyen âge début renaissance. On a un bouquin de 64 pages de background et un de 32 qui contient un scénario. Le CD audio ne contient que des musiques d'ambiance (comme celui de la boite Red Steel), et contrairement aux autres des boites Mystara. Le scénario est très classique de l'époque avec une série de rencontres.

La gamme Red Steel s'arrête là en tant que telle, mais il était prévu de la continuer sous le nom Savage Coast, dans la série Odyssey de AD&D. Cela ne se fera pas au final, mais il y aura trois pdf qui seront mis en téléchargement gratuit sur le site de TSR l'année suivante (en 1996 donc). Le Savage Coast Campaign Book qui compile les informations des deux boites Red Steel, un Monstrous Compendium, et un supplément sur la péninsule Orc's Head. Je mets les liens en commentaires pour les curieux. Et ce sera la fin officielle du Known World/Mystara après une quinzaine d'années de parution.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

vendredi 5 décembre 2025

Mon Appendix N - première partie - les romans de fantasy

Sentez-vous comme ce parfum de fêtes dans les airs?  Le Black Friday est prêt à céder la place à la Saint-Nicolas, puis à Noël, au Nouvel an, aux soldes, etc.  Et qui dit fêtes dit générosité, opulence, et cadeaux...  Un certain nombre de mes relations me demandent régulièrement, vu que je lis beaucoup, ce qu'ils peuvent offrir à leurs proches (ou se faire offrir) comme romans de fantasy, de science-fiction ou de fantastique.  Par une étrange synchronicité, un certain nombre d'influenceurs anglo-saxons publient sur les réseaux leur version de l'Appendix N, cette liste de recommandations qui se trouve à la fin du guide du maître de AD&D, et je me dis que c'est peut-être l'occasion pour moi de rédiger une série d'articles qui reprendra mes références culturelles préférées dans différents domaines...   

Avant de me lancer, je souhaite souligner un point important: il va de soi que les goûts des uns et des autres peuvent considérablement varier.  Certains vont adorer des oeuvres que d'autres détesteront, et il est donc difficile de garantir quoi que ce soit lorsqu'on fait des recommandations de lecture.  Cependant, je suis devenu, avec le temps, quelqu'un d'assez difficile, quand il s'agit d'évaluer les bouquins de ma bibliothèque.  Les titres que je vous livre ci-dessous forment une sélection restreinte, qui représente une toute petite fraction de ce que j'ai eu l'occasion de lire au cours des quarante dernières années...  La plupart du temps, ils ne déçoivent pas. 

Sans plus attendre, commençons par mes romans de fantasy préférés.  Je vais séparer cette sélection en deux parties: les classiques, que j'ai lus il y a de nombreuses années, et souvent relus, parfois plusieurs fois, et les modernes, oeuvres qui ont été écrites après l'an 2000.

 

Les classiques

"La fille du Roi des elfes" de Lord Dunsany est un précurseur du genre.  Le prince d'un royaume est envoyé dans le monde elfique à la recherche d'une épouse, et doit faire face aux conséquences de sa quête.  Plus poétique qu'épique, ça reste une chouette référence.  C'est surtout un des rares textes de cet auteur à avoir été traduit.  

La série des "Conan" de Robert E. Howard est composée de nouvelles qui ont été assemblées en différents volumes (entre un et huit, selon les éditions).   On ne présente plus le barbare qui a été popularisé au cinéma par Arnold Schwarzenneger et Jason Momoa.  C'est un classique de la sword and sorcery, écrit dans un langage direct et efficace.  Beaucoup ont tenté de l'imiter, mais peu sont parvenus à l'égaler. 

"L'épée brisée" de Poul Anderson est un récit à la fois épique et légendaire qui vaut largement le détour.  

"Un visage pour l'éternité" ou "Tant que nous n'aurons pas de visage" de C. S. Lewis, qui est plus connu pour son cycle de Narnia.  Dans ce roman, il propose une histoire qui rend hommage aux grands récits mythologiques.  Bizarrement, l'édition française est connue sous deux titres distincts, mais c'est bien le même contenu.

"Le Seigneur des Anneaux" de J.R.R. Tolkien est le grand classique du genre.  Bien que cette trilogie ait quelques problèmes de rythme au regard des standards actuels, elle reste une référence incontournable qui a inspiré de nombreux auteurs, artistes et créateurs de jeux.  Il a posé un jalon dans le paysage de la fantasy.  

Le cycle de "Lyonesse" de Jack Vance est une fabuleuse histoire qui se déroule dans les isles anciennes, et qui contient tous les ingrédients d'une bonne histoire de fantasy: royaumes en guerre, souverains ambitieux et retors, magiciens rusés, et rebondissements à foison.  

Le cycle de "Xanth" de Piers Anthony est injustement méconnu en francophonie, alors qu'il offre une fantasy burlesque bien plus intéressante que celle de Pratchett.  Les histoires se passent dans un monde où tout le monde a un pouvoir magique, même si parfois il est de faible intensité (et oui, Lanfeust n'a rien inventé).  A leur majorité, les membres de cet univers qui n'ont pas de pouvoir sont exilés chez le vulgaires (nom donné à notre monde).  Le personnage principal du début de la saga a atteint cet âge fatidique et son pouvoir ne s'est toujours pas manifesté.  Il entreprend donc une quête pour essayer de le découvrir...  Je n'ai jamais compris pourquoi cette série n'a pas connu plus de succès.  Seuls les huit premiers romans du cycle ont été traduits en français, mais malheureusement ça s'est arrêté là, et il vous faudra lire en anglais si vous voulez accéder aux 39 autres volumes disponibles. 

Le "Dit de la terre plate" de Tanith Lee est une saga à la fois poétique et épique dans laquelle des êtres surpuissants s'intéressent à la vie des mortels, avec des conséquences dramatiques.  C'est un mélange particulièrement réussi entre Sandman et les Mille et Unes Nuits.  Très rafraîchissant. 

Le "cycle d'Elric" de Michael Moorcock est un autre classique de la sword & sorcery, avec une tonalité assez sombre, voire désespérée.  Les quatre premiers volumes parus sont les plus essentiels, le reste étant dispensable et à réserver aux afficionados absolus. 

Le cycle de la "Rose du prophète" de Margaret Weiss & Tracy Hickman est un mélange entre récit fantasy classique et milles et une nuits.  Contrairement aux oeuvres de commande que ce duo a pondu pour TSR à la grande époque, il vaut le coup d'être lu. 

Le cycle des "Princes d'Ambre" de Roger Zelazny est à la frontière des genres.  Les protagonistes principaux sont les héritiers de la famille royale d'Ambre, qui est à la frontière de tous les plans.  Leurs pouvoirs leur permettent de voyager entre les plans d'existence, ce qui fait d'entre eux pratiquement des demi-dieux.  Malheureusement, leurs relations sont plutôt conflictuelles, et ils sont constamment en train de conspirer les uns contre les autres.  Très original et plutôt facile à lire, ce cycle n'a pas pris une ride.  

Le cycle de "Terremer" d'Ursula LeGuin met en scène un sorcier qui utilise la magie des mots: il peut affecter la réalité car il connait le véritable nom des choses.  Il y a six livres dans le cycle, mais c'est surtout le premier que je recommanderais. 

"Les dames du lac" de Marion Zimmer Bradley sont une réinterprétation des récits arthuriens vus du point de vue des femmes.  C'était original à l'époque où c'est sorti, aujourd'hui ça le paraît beaucoup moins, mais ça reste une bonne lecture.  


Les modernes

"Stardust" de Neil Gaiman met en scène un jeune homme qui habite dans le village de "Mur".  Ce village borde le pays des fées, et un beau jour, ce jeune homme décide de s'y rendre pour aller chercher l'étoile filante qui s'est écrasée de l'autre côté.  Cette histoire a été adaptée au cinéma, mais j'en recommande malgré tout la lecture.  Si vous trouvez la version illustrée par Charles Vess, n'hésitez pas.

"Jonathan Strange & Mr. Norrel" de Suzanna Clarke met en scène les ambitions et la rivalité de deux magiciens en Angleterre, à l'époque napoléonienne.   La prose évoque les romans de Jane Austen, avec une touche de fantasy.  

"Le Prince bâtard" de Robin Hobb est une sorte de prélude à la série de l'Assassin Royal.  Je vous le recommande car il est plutôt court et bien ficelé, contrairement au cycle en question, qui traîne un peu trop en longueur à mon goût.  

Le cycle des "Rois du Monde" de Jean-Philippe Jaworski se déroule à l'époque celtique, avant l'invasion romaine.  On suit les aventures de Bellovèse, prince de sang qui a été écarté par son oncle.  Beaucoup de bruit et de fureur dans cette épopée, mais aussi plein de mystère et de magie.   On sent que l'auteur a fait beaucoup de recherches pour essayer de donner de la crédibilité à son oeuvre: je suis fan, et si vous avez une petite affinité pour cette période, vous devriez apprécier. 

"Déracinée" et "La fileuse d'argent" de Naomi Novik se déroulent dans un univers de conte de fées, avec des forces magiques qui dépassent les simples mortels, et qui rappelle un peu le roman de Dunsany dont je parlais ci-dessus.   Un troisième livre dans le même univers vient de sortir en anglais, mais n'est pas encore traduit.

"Haut-Royaume" de Pierre Pevel est un cycle dont les cinq volumes valent largement le détour.  Le pitch: le chevalier Lorn, condamné à la prison depuis trois ans, est libéré par le Roi pour sauver le royaume...  Mais la captivité a changé l'ancien héros, qui a aussi quelques comptes à régler...  Seul défaut: l'histoire me semble toujours inachevée et on attend depuis un moment le sixième - et supposément le dernier - volume. 

La "trilogie hussite" de Andrzej Sapkowski, que l'on connait surtout pour sa série "Witcher", est un récit qui s'inspire du mythe national tchèque et des récits populaires d'Europe centrale.  C'est très particulier, et ça demande un peu d'effort à lire, car les noms des protagonistes sont évidemment germaniques, tchèques et polonais.  Mais ça vaut le coup de s'accrocher.  


Le mot de la fin

Voilà, j'espère que cet article vous aura donné quelques idées de cadeaux de Noël.  Et puis n'hésitez pas à mettre en commentaires vos propres recommandations de lectures, ça peut toujours m'intéresser.  

mercredi 3 décembre 2025

Portrait de famille - la série de modules "I" pour AD&D

Aujourd'hui, un gros portrait de famille, avec une des plus longues série de modules pour AD&D, la série I (pour Intermediate, scénarios pour moyen niveau).


D'abord, le module I1 débarque en 1981 (pour rappel, il a failli avoir le code S4). Il a été joué en partie lors d'un tournoi à Origins en 1980, et il se déroule dans l'univers de Greyhawk. Un des rares modules de l'époque non écrit pas Gygax s'y déroulant d'ailleurs. Il introduit un certain nombre de nouveaux monstres (des classiques comme le Yuan-Ti) qui font leurs débuts dans AD&D, et qui se retrouveront compilés ensuite dans le Monster Manual II en 1983. 

Le I2 déboule en 1982. Cela doit être le premier module AD&D qui ne se déroule pas le monde de Greyhawk (AD&D pas D&D, aucun scénario BECMI ne se déroule dans Greyhawk, mais j'y reviendrai). Année charnière où il commence à être envisagé donc de sortir Greyhawk dans une série distincte (après la sortie du Folio en 1980, il y a de la demande, et la boite World of Greyhawk, un peu retardée, arrivera en 1983).

La même année, arrive le I3, qui va se révéler au final être le début d'une trilogie avec le I4 et le I5 qui sortiront l’année suivante (1983) et qui demande un plus long exposé.

À l'origine ce scénario Pharaoh est publié sous licence par Daystar West Media en 1980. Il est écrit par le couple fondateur de Daystar, Tracy et Laura Hickman, qui veulent une approche plus basée sur l'histoire dans les scénarios. Ils vont jusqu'à écrire un manifeste à ce sujet, manifeste qui va influencer de nombreux autres auteurs et changer la façon de faire le jdr (rien que ça). Daystar West Media ne va pas exister longtemps, et ne va publier qu'un autre scénario dans leur série "Night Ventures", il s'agit de Rahasia (sur lequel j'aurais aussi l'occasion de revenir). La boite fait faillite, suite à tout un tas de problèmes. Tracy et Laura Hickman décident de vendre leurs deux scénarios à TSR pour payer leurs débiteurs, et au final, TSR les embauche. Sur le trajet de leur déménagement Tracy et Laura discutent beaucoup d'une série de scénarios où les dragons ont une très grande importance. C'était un de leurs projets chez Daystar, et il va se concrétiser plus tard chez TSR, mais j'y reviendrai.

C'est donc ce scénario "Pharaoh" qui est réédité (avec quelques petites différences) sous le code I3. Pendant ce temps, chez TSR, il y avait un scénario se déroulant dans un désert écrit par Philip Meyers. Un des premiers travaux de Tracy est de le retravailler et d'écrire une troisième partie pour conclure cette histoire. C'est donc les I4 et I5, et la trilogie sera publiée sous forme de supermodule en 1987 et relocalisée dans les Forgotten Realms (mais j'en ai déjà parlé). En tout cas, le module original "Pharaoh" paru chez Daystar (ainsi que le "Rahasia") sont incroyablement rares (car ils ont eu des très petits tirages), et très très chers...

1983 toujours, un méga classique déboule, le I6 Ravenloft. Écrit par Tracy et Laura Hickman, il s'agit en fait d'un scénario qu'ils voulaient à l'origine sortir chez Daystar, sous le titre de "Vampyr" (terme qui va rester dans le scénario d'ailleurs).

Le succès sera tel, que l'univers Ravenloft sera développé au début de la 2nd édition pour devenir un des univers les plus fournis en références au cours de la décennie 90. Tracy Hickman aura déjà quitté TSR à ce moment, et dira par la suite qu'il n'aime pas du tout ce qu'ils en ont fait...

Il faut attendre 1985 pour la suite de cette série. Le I7 arrive en 1985, toujours des scénarios génériques depuis le I2. À noter qu'à partir de ce module, ils ont tendance à être un peu plus chers que ce que leur popularité pourrait indiquer, certainement à cause de tirages moindres. Ce module m'a toujours énormément attiré, grâce à la couverture particulièrement évocatrice de Larry Elmore (illustration qui ne se retrouve malheureusement nul part ailleurs !)

1986 voit la parution des I8-9-10. Le I8 est notamment écrit par des anglais qui ont officié sur la série UK1-7. Il est assez populaire. Le I9 n'a pas de rapport avec Greyhawk malgré ce que le titre pourrait laisser penser. Et le I10 Ravenloft II, est une suite au classique de 1983. Il peut se jouer indépendamment aussi, et en tant que suite, tous les dénouements du premier sont acceptables pour continuer (sous entendu, si vous avez tué Strahd dans le premier, il sera malgré tout toujours là). Il va introduire aussi des PNJs qu'on retrouvera ensuite dans l'univers Ravenloft, notamment la "némésis" de Strahd, Azalin.

1987 voit arriver des rééditions/compilations dans la série I. Le I11 contient un scénario en trois parties proposé à l'origine en tournoi à la Gencon 1984 avant d'être distribué une première fois dans 3 numéros de Polyheron (numéros #24-26 si vous voulez tout savoir). Le I12 compile quant à lui les R1 à R4, sortis de façon limitée en 1982-83 pour les membres de la RPGA mais ils remontent à 1981. Écrits par Frank Mentzer, ils se déroulent dans une région qui à l'origine devait être intégrée dans l'univers de Greyhawk, époque où ils envisageaient de décrire le reste du continent principal (il existe une carte avec tous les pays qui étaient prévus, y compris, pour l'anecdote le royaume d'un certain personnage de François Marcela-Froideval qui est paru en bd par la suite, oui oui, il aurait du finir dans Greyhawk). Chose amusante, apparemment certains PNJs de ces scénarios se sont retrouvés ensuite dans un supplément Forgotten Realms, le FR5. La compilation de ces quatre R est un peu éditée, un peu à la manière des supermodules B1-9 ou S1-4. Mais acheter des exemplaires des R originaux, est hors de prix, et quasiment introuvables. D'après Frank Mentzer, ces modules ont du être imprimés à 2500 exemplaires, mais ils n'en ont pas vendus plus que 250-500 de chaque, les autres exemplaires ayant été détruits.... Donc ce I12 reste le moyen le plus simple et le moins onéreux de les avoir en print (et encore c'est pas le module le moins cher de la série). Pour infos, 6 autres modules de la série R ont été écrits mais et proposés lors de tournois, mais n'ont jamais été publiés. Quant au I12 Adventure Pack 1, il porte bien son nom, étant composé de plusieurs petits scénarios.

Son petit frère qui aurait du s'appeler I14 Adventure Pack 2 sort sous un autre nom, étant lui aussi relocalisé dans les Forgotten Realms, et contient donc lui aussi plusieurs courts scénarios, mettant un terme à la série I en 1988, peu de temps avant l'arrivée de la 2nd Edition.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

dimanche 30 novembre 2025

Portrait de famille - la série de modules "DA" pour D&D Basic / Expert

Une chronique de Jean-Luc Barbera

Autre petit portrait de famille aujourd'hui, toujours pour la boite Expert de D&D "Basic", voilà la série DA (pour Dave Arneson).


Dave Arneson co-créateur de D&D a quitté TSR en 1976 et leur a fait plusieurs actions en justice. Les frères Blume avaient apparemment un gros souci avec lui car il semblerait que même au début des années 80, ils aient viré des employés qui auraient tendance à trop soutenir Arneson. Mais les choses changent quand TSR se retrouve en grosses difficultés financières et que Gygax revient abandonnant l'espoir d'arriver à produire un film D&D et arrive à se faire désigner nouveau PDG de TSR à la place de Brian Blume (ou Kevin peut être plutôt).

Bref, les choses vont s'arranger après cela pour Arneson, et son univers, Blackmoor, qui existe depuis le tout début des années 70 va revenir sur la scène de TSR. Gygax l'avait déjà intégré à Greyhawk (dans le folio en 1980), et Arneson l'avait sorti dans l'univers Wilderlands de Judges Guild (un des gros acteurs indépendants des éditeurs de produits D&D sous licences à l'époque) sous le titre "The First Fantasy Campaign" en 1977 (car c'est effectivement le premier univers pour un jdr).

1986 voit sortir le DA1 Adventures in Blackmoor par Dave Arneson et David Ritchie. Blackmoor est ici relocalisé dans le Known World, mais dans un lointain passé. Il y a diverses hypothèses là dessus. Bruce Heard, qui était responsable de la gamme BECMI à cette époque, a dit qu'on lui avait imposé d'intégrer Blackmoor, mais l'idée de le mettre dans le passé serait la sienne apparemment. L'hypothèse basique est que Blackmoor étant apparu dans le D&D original, il avait plus sa place dans D&D Basic. Mais c'est peut être  bien plus compliqué que cela.

Bref, le module n'apporte pas non plus trop d'infos sur l'univers, car l'aventure se concerne surtout l'auberge qui va permettre aux aventuriers de voyager dans le temps pour aller dans Blackmoor pour l'aventure. Une chose pas très courante à l'époque.

Sur la carte de Blackmoor de ce module, le monde se retrouve étiré, car il passe d'un hexagone=10 miles (la taille standard chez Judges Guild et donc de "The First Fantasy Campaign") à 1 hexagone=24 miles (la taille standard utilisé dans le Known World).

En tout cas le scénario repose pas mal sur de l'investigation et de la déduction pour trouver le responsable du problème.

Arrive ensuite le DA2 Temple of the Frog par le même duo. C'est une adaptation et extension (on passe de 20 à 48 pages quand même) du même scénario qu'on trouve dans le supplément 2 Blackmoor de OD&D (le premier scénario publié pour un jdr). Il y a de la science fantasy (et ce n'est que le début) dans ce scénario, et il y a même un pnj inspiré à la base d'un épisode de Star Trek !

En 2007, WotC va sortir un "Return to the Temple of the Frog" en téléchargement gratuit, et en 2008, Zeitgeist Games va sortir une nouvelle version de "Temple of the Frog" en d20 (au passage, quelques années avant, Goodman Games avait sorti un setting Blackmoor justement).

1987 voir arriver le DA3 City of the Gods, toujours pas les mêmes auteurs, même si Arneson a déclaré que Ritchie ne l'avait pas beaucoup consulté, et qu'il n'apprécierait pas trop les ajouts de celui-ci. Toujours est-il que c'est la suite de "Temple of the Frog" et qu'on reste dans la science fantasy (la City of the Gods est un vaisseau spatial). En tout cas, certains ressentent toujours une influence de Star Trek, avec une sorte de "Prime Directive". À noter que cette City of the Gods est certainement l'influence majeure pour le scénario S3 Expedition to the Barriers Peaks de Gygax. En effet, très tôt en 1976, Gygax et son ami Kuntz avaient exploré la cité des dieux de Arneson avec leurs fameux personnages Mordenkainen et Robilar. On retrouve d'ailleurs une City of the Gods mentionné dans le Blackmoor de Greyhawk. À ce propos, il existe un scénario appelé "The Clockwork Fortress" dans Dungeon magazine 126 par Wolfgang Baur qui reprend cette cité.

Ce module marque la fin des aventures de science fantasy pour D&D/AD&D (jusqu'à peut être l'apparition de Spelljammer et encore c'est différent).

Enfin, toujours en 1987 sort DA4 Duchy of Ten par David Ritchie. Arneson a déclaré que chez TSR, des nouveaux venus n'appréciaient pas de travailler avec lui, ce qui est fort possible. À cette époque, Gygax ne fait plus partie de TSR, et la nouvelle PDG aux dents longues, Lorraine Williams, n'a pas trop envie de travailler avec des gens trop proches de Gygax (cela inclue aussi Rob Kuntz). En tout cas, Arneson va encore porter plainte contre TSR.

Malgré le nom, il n'y a aucun rapport avec le Duchy of Tenh qu'on trouve dans Greyhawk cette fois ci (Gygax aimait juste le nom) mais on est toujours dans Blackmoor. Arneson a dit bien plus tard qu'une version plus proche de ce qu'il avait imaginé devait sortir chez Zeitgeist Games, mais ce n'est jamais arrivé.

À noter que dans ce module, on retrouve l'échelle proche de l'originale de "The First Fantasy Campaign", car la même carte a des hexagones de 12 miles.

Un DA5 City of Blackmoor était prévu, mais n'a jamais été écrit et encore moins publié (il y a des sources contradictoires sur l'écriture du module par contre).

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 


mercredi 26 novembre 2025

Portrait de famille - la série de modules "D" pour AD&D

Une chronique de Jean-Luc Barbera

Aujourd'hui, un autre portrait de famille sur la série de modules D (pour Drow).


C'est la deuxième série de 3 modules produits par TSR, et proposés à la GenCon XI en 1978. Les trois sont écrits par Gary Gygax, qui a fait ça pour se détendre entre deux livres de règles pour AD&D. AD&D qui n'est pas encore totalement publié car en fait, le Manuel des Joueurs va juste être dispo (qui ne contient en fait plus ou moins que les règles pour créer les persos), et surtout le Guide du Maître ne sortira que l'année suivante (qui lui contient en fait la majorité des règles du jeu). Les personnages prétirés, à l'instar de ceux de la série G, ne sont donc pas totalement conformes aux règles de AD&D.

Les modules D1 Descent Into the Depths of the Earth, D2 Shrine of the Kuo-Toa et D3 Vault of the Drow, vont être, comme pour les G à Origins, proposés à la vente immédiatement lors du tournoi. À noter que finalement, TSR décida de ne pas utiliser le D1 lors du tournoi, peut être parce qu'il sert principalement de jonction avec la série G et la suite de l'aventure, et que les modules sont un peu plus gros et seraient trop longs pour être tous joués tous lors du tournoi. Je ne sais pas vraiment. En tout cas, le module D2 sert pour le premier round du tournoi, et le module D3 pour les deuxième et troisième rounds.

En tout cas, Bob Blake qui est responsable des tournois utilise un système de scoring très intéressant. Dans le D2 notamment, les personnages qui cherchent à aller le plus vite possible pour pourchasser les drows au lieu de tuer tous les kuo-toas gagnent plus de points. Et ceux qui évitent autant que possibles les combats, voire arrivent à traverser le temple de façon non violente en gagnent le plus !  On est en 1978, et ce qui est récompensé le plus n'est pas le massacre systématique des monstres. Dans ta face le PMT !

Les kuo-toas et les svirfnebli (gnome des profondeurs) font leur première apparition dans le jeu également. Il semblerait que les profonds de Lovecraft ne soient pas vraiment l'inspiration pour les kuo-toas (Gygax n'était pas le plus grand fan de Lovecraft chez TSR, c'était Rob Kuntz). Il voulait simplement une autre race non humaine en plus des drows et mind flayers et que la ressemblance ne serait pas intentionnelle. Quant au svirfnebli, Gygax en avait marre apparemment des "gentils" gnomes. Les aventuriers vont aussi avoir l'opportunité de rencontrer un dieu, ici Blibdoolpoolp la Sea Mother des Kuo-Toas, mais il n'est pas question de l'affronter ou de la tuer. Elle n'a d'ailleurs pas de stats. Son nom est fait pour faire penser à des gouttes d'eau tombant dans une marre pour l'anecdote. Quant aux elfes noirs, ils sont peut être inspirés eux aussi, à l'image des géants du froid et du feu, de la mythologique nordique, les Svartálfaheimr. Les elfes noirs étaient simplement mentionnés dans le Monster Manual en 1977 dans la section des elfes comme étant une légende. Toutes ces races seront publiés ensuite dans le Fiend Folio en 1981.

Un autre aspect intéressant du D2 et du D3, c'est qu'ils présentent un véritable environnement de vie, avec de vraies sociétés. Le D3 notamment peut plus faire penser à un supplément décrivant la ville des elfes noirs qu'un scénario, avec ses maisons nobles qui sont en concurrence. L'underdark (terme qui n'existe pas encore et arrivera bien plus tard, dans le Dungeoneer's Survival Guide en 1986) va au-delà des simples cavernes et autres en proposant de véritables civilisations et ça, ce n'était pas vraiment courant en 1978. Seul Judges Guild avait fait certaines choses en ce sens (notamment City State of the Invincible Overlord), mais malgré tout, ce n'était pas ce qui se faisait le plus.

Dans le D3, il est à nouveau question du Elder Elemental God, introduit dans la série G, qui réapparaît ici comme une menace au pouvoir de Lolth, car il est vénéré par certains elfes noirs. Cela sera malgré tout différent par la suite, mais j'y reviendrai dans un prochain portrait de famille, avec la conclusion de cette campagne incontournable qui n'est pas le D4 (on peut dire qu'il s'agit ici du premier Adventure Path de donj, comme on dit de nos jours).

Comme tous les premiers modules de AD&D, cela se déroule toujours dans Greyhawk, même si à ce moment là, rien ne permet de le dire. Les conséquences de cette campagne sont notables dans la timeline de l'univers bien des années après. Les elfes noirs seront encore plus popularisés par la suite, à leur arrivée dans les Royaumes Oubliés, et notamment les romans de Salvatore sur Driz'zt, même s'ils y subiront quelques changements physiques et culturels.

En 1981 les modules D1 et D2 seront compilés en un volume D1-2 Descent into the Depths of the Earth (à l'image des G1-2-3), avec le nouveau style de couverture couleur, pour arriver notamment aux 32 pages habituelles de l'époque. Le D3 lui sera simplement réédité avec la nouvelle couverture couleur, ayant déjà le nombre de pages standard. À part donc quelques changements de mise en page, et l'inclusion des prétirés du tournoi original, ils n'ont pas de différences avec les versions "monochrome" (sur la photo, je n'ai malheureusement que le D2 en monochrome). Ils seront par contre un peu retravaillés pour la compilation du GDQ1-7 Queen of the Spiders (voir le portrait de famille correspondant).

Une anecdote amusante: si vous avez lu le Art & Arcana, vous savez qu'il y eu une grosse influence des comics sur les premières illustrations de D&D. Et c'est particulièrement notable ici, car sur l'illustration N&B du livret du module D1-2 Descent Into the Depths of the Earth, on voit un coffre avec un bouclier de Captain America et un casque d'Iron Man, ainsi que le masque de Spider-man (plutôt thématique pour le coup ce dernier).

dimanche 23 novembre 2025

Portrait de famille - la série de modules "WGS" pour AD&D 2ième édition

Une chronique de Jean-Luc Barbera

Aujourd'hui, une trilogie de modules un peu atypique car la 3ème partie n'est pas un module mais un wargame/jeu de plateau. La série WGS (pour World of Greyhawk Swords apparemment, car au départ il est question de récupérer les 5 lames de Corusk).


Sortis en 1991, l'action de ces modules se situe en CY582 du calendrier Greyhawk (timeline avancée de 6 ans depuis la boite de Gygax de 1983).

Originellement conçu comme une trilogie, le 3ème module ne sortira jamais, et certaines choses écrites pour lui seront retravaillées pour être incorporées à la boite Wars dont les événements se déroulent juste après le WGS2, l'action des deux modules précipitant ce qu'on appelle la Grande Guerre de Faucongris. On a ici pour le coup deux modules dont l'histoire est intimement liée à l'univers de Greyhawk.

Cette guerre "mondiale" va durer de CY582 à CY584 et bouleverser la carte géopolitique (et même fantastique) de l'univers au grand désespoir d'un certain nombre de fans, au point de les diviser entre les fans de l'époque Gygax et ceux des différentes époques suivantes (car ça va encore bouger ensuite).

Même si on est pas intéressé par le wargame Wars, la boite contient un livret historique qui détaille largement tous les événements de cette période, ce qui la rend intéressante pour les fans de l'univers qui veulent connaître son histoire la plus complète possible. Le contenu de ce livret était à une époque gratuitement téléchargeable sur le site de WotC, mais depuis que celui-ci a été refait il y a quelques années, les liens ne sont plus valides.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques…