dimanche 31 août 2025

Portrait de famille - Ravenloft (partie 1)

Nouveau portrait de famille aujourd'hui, sur la deuxième plus grosse gamme d'univers pour AD&D (en terme de produits estampillés et donc immédiatement reconnaissables) juste après les Royaumes Oubliés. Et comme il y en a beaucoup, je vais couper ce portrait de famille en plusieurs parties.

 


Après Spelljammer l'année précédente, 1990 voit arriver un nouvel univers pour AD&D, ce qui va donner d'ailleurs le rythme pour quelques années encore. Il est inspiré d'un (et même 2 en fait) scénario(s) sorti(s) en 1er édition. Vous avez deviné, il s'agit de Ravenloft. Je vous renvoie à mon portrait de famille sur la série de modules pour ce qui est des modules I6 et I10.

TSR sort donc la boite Ravenloft Realm of Terror par Bruce Nesmith avec Andria Hayday, pour faire de l'horreur gothique avec AD&D. Pour cela, il va être introduit deux règles importantes à ce niveau, les tests de Terreur et d'Horreur, histoire de calmer un peu les ardeurs épiques des habitués. La magie (et les objets magiques) subissent aussi des changements à découvrir en jeu. Le monde, qui est un demi-plan, est relativement petit en soi, et est un agrégat de domaines avec un seigneur maléfique originaire d'un autre monde. C'est aussi encore une manière de relier les différents univers historiques de AD&D (Greyhawk, Forgotten Realms, Dragonlance et même Kara-Tur) même si on se promène pas facilement, loin de là, dans et hors du demi-plan de l'Effroi. Au départ aussi, ce qui "choque", c'est les personnages bons qui semblent désavantagés par rapport aux mauvais. Mais sur le long terme, ils évitent les Power Checks, et ce n'est pas rien. Je n'en dirai pas plus à ce niveau, car cela serait trop spoil.

La même année, arrive un premier module/accessoire le RA1 Feast of Goblyns par Blake Mobley (RA pour Ravenloft Adventure). Il y a notamment la couverture qui peut servir d'écran avec des tables spécifiques aux règles de Ravenloft pour le MD, ainsi qu'une feuille de personnage spécifique et un poster de la couverture. Le module est assez gros car il contient pas mal de background sur Kartakass. Un monstre apparu dans le module S4 (je vous renvoie au portrait de famille de la série S) a une grande importance dans ce module: il s'agit du wolfwere, l'inverse du loup-garou (le loup capable de se transformer en homme). Il introduit un nouveau domaine qui n'est pas fait pour durer suivant comme l'aventure se termine. Cela peut d'ailleurs poser problème de continuité car dans les modules suivants, ils ont décidé de faire un métaplot pour l'univers ("La Grande Conjonction"), et ce RA1 est rétroactivement inclus dans la série de 6 scénarios qui vont le concerner et forger le futur de la gamme. Il est question de visions prophétiques d'un cataclysme à venir, et j'en profite pour rajouter les vers qui concernent le RA1:

In the house of Daegon the sorcerer born,

Though life, unlife, unliving shall scorn.

À noter que ce scénario introduit la façon classique et tellement pratique d'amener les personnages dans l'histoire, avec les brumes qui les entourent un soir, et ils se retrouvent piégés sur le demi-plan de l'effroi. Idéal donc aussi comme scénario d'introduction au monde.

C'est début 1991 que débarque le deuxième module de Ravenloft, le RA2 Ship of Horror par Anne Brown. Là aussi, ce scénario sera pas la suite rétroactivement inclus dans le métaplot de la Grande Conjonction. Et là, aussi, comme ce n'était pas prévu, cela pose quelques soucis (un surtout qui se résout facilement, il faut changer le nom d'un PNJ). Et voilà les vers de la prophétie qui concernent ce module:

The lifeless child of stern mother found

heralds a time, a night of evil unbound,

Le module apporte lui aussi du background supplémentaire notamment sur la Sea of Sorrows, ainsi qu'un nouveau domaine, mais dont on n'entendra plus parler en tant que tel, et qui reviendra plus tard, et en profitant au passage pour relier Ravenloft au Known World/Mystara de D&D (quand il sera devenu un monde pour AD&D).

Ensuite, la même année arrive le MC10 Monstrous Compendium Ravenloft Appendix par William W. Connors (que je n'a pas sous cette forme). Et oui, en l'espace de 2 ans, on était déjà au dixième MC et ce n'est pas fini, mais c'est un autre sujet. Il y a bien quelques monstres déjà connus (dont un du Fiend Folio et d'autres des modules précédents), mais sinon, c'est surtout de la totale nouveauté et donc très thématique, ce qui est bien.

On a ensuite, toujours en 1991, le premier accessoire d'une série, avec le RR1 Darklords par Andria Hayday et William W. Connors, Bruce Nesmith, James Lowder (RR pour Ravenloft Ressource). Si vous n'avez pas assez de seigneurs et de vilains, en voilà 16 de plus. Ils sont présentés en quelques pages, avec leur histoire, quelques cartes et lieux, et cela peut se rajouter un peu où on veut. À noter qu'il n'y a pas trop de stats et de technique, donc c'est utilisable en majorité avec une autre édition (voir un autre système). C'est un peu un Rogues Gallery pour Ravenloft.

Deuxième "accessoire" le RR2 Book of Crypts par Dale "Slade" Henson et J. Robert King est quant à lui un équivalent du Book of Lairs pour Ravenloft. On a ici une anthologie de scénarios. Ce que je préfère par rapport aux Books of Lairs, c'est qu'ici, on a moins d'aventures, mais elles sont un peu plus développées. Une seule aventure est liée à un domaine particulier, les autres peuvent se dérouler n'importe où. Par la suite, certaines seront replacées dans des domaines précis.

Retour aux modules, avec le RA3 Touch of Death par Bruce Nesmith. C'est le module qui introduit pour la première fois donc le métaplot de la Grande Conjonction (et le retour du tirage des cartes). Il est "plot heavy" (un problème pour les amateurs du sandbox), et voici les vers de la prophétie qui le concerne:

Seventh time the son of suns doth rise

to send the knave to an eternity of cries,

Ici, les aventuriers vont avoir affaire avec un des méchants décrits dans le RR1, et on s'éloigne des ambiances occidentales pour une ambiance égyptienne (avec des momies forcément). Le scénario est plus petit que les deux précédents, mais surtout plus bas niveau ! Pour le jouer dans le cadre de la conjonction, il faudra soit l'ajuster à des niveaux plus élevés, soit les jouer dans un ordre différent (ce qui ne semble apparemment pas poser de problème et est la solution la plus simple).

Et pour finir l'année, arrive le 3ème accessoire, le RR3 Van Richten's Guide to Vampires par Nigel D. Findley (et oui, encore cet auteur très prolifique à la carrière et la vie trop courte malheureusement). Van Richten est l'équivalent du Van Helsing de Bram Stoker évidemment. "Il" donne ici tout plein d'informations sur les vampires, leur vie (ou plutôt leur non-vie, disons existence) est passée en détails, comme ils évoluent avec le temps, leurs habitudes, tout est passé au crible. C'est majoritairement du fluff, donc toujours intéressant.

Nous sommes maintenant en 1992, et la série de modules continue avec le RQ1 Night of the Walking Dead par Bill Slavicsek (RQ pour Ravenloft Quest j'imagine, même si pourquoi avoir changer de code alors qu'on est sur la même série de scénarios...). Et comme son nom l'indique, il va donner la part belle aux zombis. C'est aussi le 4ème module de la Grande Conjonction, et voici les vers qui le concernent:

The light of the sky shining over the dead

shall gutter and fail, turning all to red.

C'est aussi le scénario le plus bas niveau de la série. Mais il est recommandé de le jouer en premier et d’enchaîner sur Touch of Death, Feast of Goblyns puis Ship of Horror, l'ordre des vers de la prophétie n'ayant pas trop d'importance à ce stade.

Ici, on est de nouveau dans une île de la terreur, et il y a un village avec un nom amusant "Marais d' Tarascon" (en français dans le texte donc).

En parlant d'île de la terreur, c'est justement le sujet de l'accessoire suivant, le RR4 Islands of Terror par Scott Bennie et Colin McComb. La boite de base décrivait 8 îles de la terreur, en voilà 8 de plus (et une de base en plus détaillée). Chaque île est un domaine avec son seigneur, et évidemment avec des ambiances très différentes et très variées. Mais elles vont toutes disparaître par la suite (même si certaines réapparaîtront encore, mais j'y reviendrai).

Nous avons ensuite un nouveau accessoire avec le RR5 Van Richten's Guide to Ghosts par William W. Connors. La série des Ressources était un peu variée dans ce qu'elle proposait, mais à partir de maintenant, ça va un peu se standardiser. Comme le titre l'indique, ici Van Richten va nous parler de fantômes. Et c'est encore une fois très fluff, et très peu crunch. Donc très intéressant.

Le module suivant RQ2 Thoughts of Darkness par David Wise ne fait étonnament pas partie de la série de la Grande Conjonction. On a de nouveau du gros module, et surtout de très haut niveau. Il est question de Mind Flayers et de leur domaine Bluetspur. Apparemment, les auteurs ont du batailler pour faire accepter les mind flayers dans Ravenloft, les dirigeants pensaient qu'ils étaient trop liés à Spelljammer. C'est un scénario à rencontres/événements, et il nous avait bien traumatisé à l'époque quand on l'avait joué. Et notamment les mind flayers vampires ! (qui reviendront encore par la suite, en dehors de Ravenloft, mais ce sera pour une autre fois).

Il y a ensuite la sortie d'une nouvelle boite, Forbidden Lore par Bruce Nesmith et William W. Connors. Cette boite a plusieurs buts. Entre temps, est sorti le Complete Psionic's Handbook, et comme pour la magie, les pouvoirs psis peuvent être altérés dans le demi-plan de l'effroi. C'est l'objet d'un des cinq livrets de la boite (et cela est évidemment très utile pour le module RQ2). Mais il y a eu aussi les sorties du Tome of Magic et de Dark Sun. En plus des spécificités magiques pour le Tome of Magic, une connexion va être faite avec Athas, le monde de Dark Sun.

La boite inclue notamment un jeu de cartes (le Tarokka), et un set de dés spéciaux (les Dikehsa). L'idée du jeu de cartes pour prédire l'avenir dans le module I6 avait marqué beaucoup de monde. C'est ici revu et amélioré pour être utilisé de multiples façons.

On a aussi des règles pour des malédictions, des nouvelles règles de test de Folie, ainsi que quelques règles mises à jour pour les Power Checks, etc... C'est donc une boite assez crunchy, mais elle contient malgré tout un peu de fluff. Il y l'introduction d'un nouveau domaine Kalidnay, faisant originellement partie de Dark Sun, et un des livrets décrit six sociétés secrètes.

Retour aux modules après cette boite, avec RQ3 From the Shadows par Bruce Nesmith. D'après ce que je lis, les changements de code de modules, étaient par rapport à l'année, et non plus par rapport à leur série. Ce qui simplifie tellement... Bref... Au moins vous saurez tout comment vous y retrouver. Il s'agit ici du cinquième scénario (sur 6 donc) de la Grande Conjonction. Et ça devient très très sérieux. Le grand méchant de l'histoire (et non, ce n'est pas Strahd Von Zarovitch qui manigance, mais son ennemi de toujours, déjà apparu dans le module I10 mais chut). Et voici les vers le concernant:

The bodiless shall journey to the time before

Where happiness to hate creates land and lore.

Le scénario commence d'une façon particulièrement shocking pour l'époque. On a aussi du voyage dans le temps. Le domaine du grand méchant est détaillé, ainsi que son château, et on apprend son origine pour la première fois (il vient de Greyhawk, et non, ce n'est pas Vecna).

L'année 1993 commence avec la sortie du RS1 Van Richten's Guide to the Lich par Eric W. Haddock, qui est en fait plutôt le RR6 (oui, les codes modules, c'est plus ce que c'était), comme annoncé dans Dragon Magazine. En tout cas, la recette est la même que les précédents guide de Van Richten, on va ausculter les liches sous toutes les coutures (déchirées), avec leurs pouvoirs, psychologie, background, etc... À noter que Gygax avait dit que son inspiration pour la liche venait des histoires d'un ami à lui, Gardner Fox. Il existe une courte histoire "The Sword of the Sorcerer" de 1970 qui semble être la bonne. Quand à l'histoire de Fritz Leiber "Thieves' House" de 1943, elle serait l'inspiration de la demi-liche. Fin de digression.

Nous avons ensuite, enfin, la conclusion de la Grande Conjonction avec le module RM1 Roots of Evil par Eric Haddock et David Wise (nouveau changement de code avec la nouvelle année là aussi, pour éviter d'avoir des séries avec des gros numéros, parce que apparemment, ça pourrait être mauvais pour les ventes). Et voici les vers de la prophétie qui lui reviennent:

Inajira will his fortunes reverse, 

And all shall live with dreaded curse.

Nous avons 3 grands méchants dans cette conclusion, avec les pauvres PJs au milieu, et encore un peu de voyage dans le temps, ainsi que pas mal d'utilisation du Tarokka deck. Il est intéressant de noter que le scénario ne se déroule pas dans le demi-plan de l'effroi mais dans le plan matériel, en particulier la Barovie originelle telle qu'elle était dans le module I6. Il y a du background supplémentaire, notamment le village de Vallaki (pour les lecteurs du Curse of Strahd de la 5ème édition, vous savez maintenant d'où vient ce village qui n’apparaît pas dans le module original ou ses autres remakes). En tout cas, le final est plutôt gros boum, et cela nous mène droit à la deuxième période de l'univers sur laquelle je reviendrai dans un autre portrait de famille.

Le RM2 The Created par Bruce Nesmith est le module suivant, et donc qui n'a rien à voir avec le RM1. Ici, on a une sorte de relecture de Pinnochio à la sauce Frankenstein (ou Chucky). C'est un scénario de bas niveau. C'est même assez macabre et original dans ce qui arrive aux PJs.

Le module suivant RM3 Web of Illusion par William W. Connors est donc lui aussi indépendant. Il présente un nouveau domaine à l'ambiance orientale indienne. Les aventuriers seront vraiment des étrangers regardés de travers. Et le méchant aime effectivement les illusions.

Les Ressources ne faiblissent pas, et la suite des Van Richten's Guide arrive, avec le RR7 Van Richten's Guide to Werebeasts par Nigel Findley (encore lui). Vous noterez qu'ils sont revenus à la numérotation initiale pour ce qui est du code... Évidemment, il est question ici de tout ce qui est lycanthropes, qui vont être eux aussi étudiés de toutes les façons possibles comme pour les Van Richten's Guides précédents.

Ensuite, nous avons le RM4 House of Strahd par Bruce Nesmith d'après Tracy et Laura Hickman, encore complètement indépendant des autres modules RM. Il s'agit d'un remake du scénario original I6 pour la 2ème édition du jeu, et il se situe dans le demi-plan de l'effroi contrairement au scénario original donc, qui se passait dans le plan matériel primaire. Le village de Barovie est un peu plus détaillé, et il y a quelques rencontres en plus. Le château quant à lui ne change pas fondamentalement, mais certains aspects funhouse dungeon populaires à l'époque sont changés pour être plus sérieux, ainsi que nombre de textes descriptifs. Les règles du monde de Ravenloft sont utilisés, et Strahd a un nouveau stat block plus puissant pour des personnages de plus haut niveau pour refléter sa puissance réelle de seigneur actuel (même si l'ancien est malgré tout toujours présent si on veut le jouer à sa puissance originale). L'un de ses objectifs possibles en fonction du tirage de cartes est modifié aussi (il cherche à s'échapper du demi-plan à la place).

Une autre boite sort ensuite, Castle Forlorn par Lisa Smedman. Castle Tristenoira n'était quasiment pas détaillé dans la boite Realm of Terror. Il est ici développé en profondeurs, ce qui en fait probablement le domaine ayant le plus de background au final. La boite contient aussi des scénarios s'y déroulant, et on a encore des cas de voyage dans le temps. C'est aussi probablement plus orienté dungeon crawl que les scénarios de la même époque qui étaient orientés plot, une sorte de retour au old school Ravenloft.

Cette année là, on a le dernier Monstrous Compendium sous forme de feuillets perforés qui sort, et il s'agit du MC15 Monstrous Compendium Ravenloft Appendix II: Children of the Night par William W. Connors (que je n'ai pas non plus sous cette forme). Ce n'est pas un Monstrous Compendium comme les autres, car il présente en fait des monstres uniques, avec profusion de détails, c'est plus des PNJs. Mais contrairement aux RR1 Darklords, il ne s'agit pas de seigneurs de domaines. On a ici une galerie de PNJs au background très détaillé qui font office de méchants plus mineurs. À noter qu'il y a des mystères levés sur certaines régions du monde, ce qui rend ce Monstrous particulièrement intéressant si on s'intéresse au lore de Ravenloft.

Enfin pour finir l'année, un module sans code, le Dark of the Moon par Richard Baker. Très en lien avec le RR7 sorti plus tôt, c'est un module très plot heavy et donc plutôt linéaire. On a beaucoup d'extérieurs au climat rude.

Et voilà qui termine la première période de l'univers de Ravenloft avant que les choses ne changent en 1994.

Dans un souci pratique, je vais quand même terminer de parler de la série des Van Richten's Guide qui ont continué de sortir en 1994 et 1995 et ne sont pas affectés par les changements de la nouvelle version.
Le RR8 Van Richten's Guide to the Created par Teeuwynn Woodruff (les codes ne sont plus utilisés par TSR à cette époque, mais il est couramment utilisé par les fans pour l'identifier) arrive donc en 1994. Et il est question ici de golems, forcément. Une différence notable, c'est qu'il y a pas mal d'infos pour la création de golems, et pas seulement des manières de les tuer. En plus, le MC10 avait rajouté pas mal de nouveaux types de golems propres à Ravenloft (même si par la suite, on va les voir dans d'autres mondes) donc le supplément est bien approprié.

La même année voit la sortie du RR9 Van Richten's Guide to the Ancient Dead par Skip Williams. Il est question ici de momies (c'est peut être celui qui a le titre le moins évident). L'origine par contre des momies n'est pas reliée directement aux mythes égyptiens. Comme d'habitude, elles vont être étudiées en détails, mais ce supplément est plus crunchy que les précédents.

Enfin, 1995, les deux derniers guides de cette série fort intéressante. Tout d'abord le Van Richten's Guide to Fiends par Teeuwynn Woodruff va nous parler de tous les démons, diables et consorts qui ont trouvé leur chemin de grée ou de force  jusque dans Ravenloft (où ils ne sont pas nécessairement à leur place à la base).

Le dernier guide de la série change par rapport aux autres, car il n'est pas question d'un "monstre". Le Van Richten's Guide to the Vistani par David Wise, comme son nom l'indique, parle des Vistani, ces espèces de Tziganes qui parcourent les domaines de Ravenloft plus librement que le reste des gens. Leur culture est abordée, ainsi que les pouvoirs de ce peuple (malédictions, prédictions, etc), leur histoire, les tribus, etc... Très intéressant pour donner de la couleur à ce peuple emblématique de Ravenloft.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

vendredi 29 août 2025

Portrait de famille - les modules de la série "S" pour AD&D

 Une chronique par Jean-Luc Barbera

Aujourd'hui, je retravaille un autre portrait de famille, la série de modules S (pour Spécial, essentiellement des modules indépendants les uns des autres contrairement aux autres séries commencées précédemment comme les G et D). Tous ces modules seront compilés à plusieurs reprises. D'abord dans le supermodule S1-4 Realms of Horror pour AD&D en 1987 et ensuite en 2013 dans le volume Dungeons of Dread.


Le premier de la série, le S1 Tomb of Horrors par Gary Gygax est publié fin 1978 apparemment (c'est ce qui semble le plus probable, car il y a des contradictions suivant les personnes qui en parlent. C'est à l'origine lui-aussi un module de tournoi, joué pour la première fois à la convention Origins 1 en 1975 (le 25 juillet pour être précis). Gygax a créé ce scénario sur une idée de Alan Lucien (qui est crédité pour un certain nombre d'idées dans différents bouquins à l'époque) pour proposer un réel challenge aux personnages de sa campagne qui étaient devenus très puissants et qui se pensaient invincibles. Il avait notamment en tête Robilar, joué par Robert J. Kuntz (co-dm de la campagne Greyhawk) et Tenser, joué par son fils Ernie. Et ils s'en sortent malgré tout vivants, même s'ils n'ont pas trop cherché la bête. D'après les récits, Robilar a sacrifié beaucoup de suivants orques qui sont morts sur les pièges, avant de s'enfuir de la tombe très vite grâce à ses bottes de rapidité, mais pas avant d'avoir bien rempli son sac de contenance de trésors. Tenser, quant à lui, a vite compris la nature de la tombe et n'a pas traîné, même s'il aurait réussi à emporter une paire d'objets magiques.

C'est donc le premier "killer dungeon" publié, même s'il existait d'autres niveaux dans le Castle Greyhawk de la campagne originale de Gary tout aussi mortels. Mais celui-ci était particulier, car il était particulièrement mortel dès l'entrée.

Une autre de ses particularités, c'est qu'il ne contient pas beaucoup de monstres. Les personnages qui survivent doivent plus cela à l'astuce et la réflexion de leurs joueurs qu'à leurs stats et le résultat des dés.
Le scénario se déroule dans le monde Greyhawk. Il n'est pas spécifiquement localisé au départ, à la place, il y a plusieurs suggestions. Ce n'est qu'avec sa suite (Return to the Tomb of Horrors, voir le portrait de famille sur Greyhawk) 20 ans plus tard qu'il aura une place définitive et une intégration beaucoup plus poussée.

Comme tous les modules publiés à la fin des années 70, il sort d'abord dans une version monochrome, avant d'être mis à jour avec la nouvelle couverture couleur en 1981 (la version monochrome ici en photo est par contre une réédition faite pour la boite Return to the Tomb of Horrors). À noter que le scénario est court (12 pages), mais le module fait malgré tout un total de 32 pages, car il contient un livret d'illustrations de 20 pages, qui sont peut être les premiers aides de jeu sortis pour un module. Comme dit Gygax, les illustrations en disent beaucoup et très peu, et peuvent aider ou non les aventuriers à survivre à la tombe.

Il va connaître aussi des remakes, dont un en 3ème édition et apparemment en 4ème édition (ainsi qu'une adaptation plus large et étendue), et pour finir, il est converti aussi en 5ème dans le volume Tales of the Yawning Portal en 2017. Quant à au grand méchant le demiliche Acererak, il est aussi au cœur de la campagne Tomb of Annihilation (dans le monde de Forgotten Realms étrangement) sorti en 2017 également. Le scénario a été classé 3ème meilleure aventure de tous les temps de D&D par le magazine Dungeon en 2004.

Le S2 White Plume Mountain par Lawrence Schick sort en 1979, premier scénario de AD&D écrit par quelqu'un d'autre que Gygax. Il est proposé au tournoi de la GenCon XII en 1979, et sort donc d'abord avec une couverture monochrome. Le module ne fait que 12 pages, et en fera 16 avec la version couleur de 1981, grâce à des illustrations ajoutées. Schick ne pensait pas que son scénario pourrait être publié, il l'avait envoyé pour se faire embaucher par TSR. Et Gygax a décidé de le publier tel quel. C'est peut être le premier "funhouse" dungeon publié. On est éloigné du naturalisme gygaxien, et il y a beaucoup d'inspirations à droite à gauche (l'épée intelligente Blackrazor rappelle Stormbringer évidemment), d'énigmes, de pièges, etc... Le scénario se déroule dans Greyhawk, et notamment la carte qui situe la White Plume Moutain contient un indice sur le premier dragon mort vivant du jeu, le fameux Dragotha, qui ne sera détaillé que presque dix ans plus tard, dans le Dragon #134 en 1988. Il sera aussi au cœur de l'adventure path Age of Worms de Paizo en 2006. Le Collector's Edition Silver Anniversary de 1999 contient une réédition du S2 en couverture monochrome (celle que j'ai en photo). Le scénario connaîtra une suite 20 ans plus tard (Return to White Plume Moutain, plus fermement intégré à l'univers, voir le portrait de famille correspondant). Le scénario aura une adaptation en 3ème édition, à l'image du S1, avec un téléchargement gratuit, et sera aussi adapté en 5ème édition lui aussi dans le Tales of the Yawning Portal. Les armes intelligentes du scénario feront aussi un retour dans le supplément Weapons of Legacy pour la 3ème édition. White Plume Mountain a été classé 9ème meilleure aventure de tous les temps de D&D par le magazine Dungeon en 2004.

Le S3 Expedition to the Barrier Peaks par Gary Gygax sort en 1980. C'est aussi (encore) un module de tournoi, mais étonnamment, alors qu'à cette époque la série C a commencé, Gygax a pensé qu'il était suffisamment éloigné de ses origines pour plutôt être classé dans les S. Il a donc d'abord été joué à la convention Origins II en 1976, sur un seul round de tournoi. Le manuscrit de cette époque est particulièrement rare. Gygax a été inspiré par le jeu de rôle de Metamorphosis Alpha de James Ward. On a donc un scénario de science fantasy. Il n'y a pas de lien réel, mis à part le thème. Par la suite, en développant le S3, Gygax va aussi être inspiré par le niveau "Machine" du Castle El Raja Key de son ami Robert J. Kuntz (qui est crédité pour l'inspiration). Ce dernier a d'ailleurs proposé un scénario science fantasy à l'occasion de la Gencon VII en 1974. Et tous les deux ont exploré la City of the Gods de Dave Arneson avec leurs fameux personnages Mordenkainen et Robilar en 1976. Gygax a fait un autre mélange avec Metamorphosis Alpha en 1978 pour la Winter Fantasy 2 avec son Castle Greyhawk. Ensuite le jeu va évoluer en Gamma World. Le scénario se déroule dans le monde Greyhawk (il y avait déjà des références à l'époque de la version tournoi) et ici c'est le Grand Duc de Geoff qui va faire appel aux aventuriers car il y a des attaques de monstres venus d'une caverne. Il s'avère qu'il s'agit d'un vaisseau spatial écrasé (comme la City of the Gods en fait). On trouve des robots et d'autres nouveaux monstres comme adversaires dans le scénario, et il y a ce qui a peut être inspiré des jeux vidéos par la suite, à savoir des cartes à récupérer pour progresser dans le vaisseau (les premiers "plots coupons"). On voit aussi un illithid en tenue futuriste qui a probablement bien inspiré les illithids de Spelljammer une décennie plus tard. En plus du livret de 32 pages classique pour un module, il y a un deuxième livret de d'illustrations à montrer aux joueurs, à l'instar du S1 (livret de 36 pages dont les 4 centrales en couleur, ce qui était probablement une première à l'époque pour un jdr). Expedition to the Barrier Peaks a été classé 5ème meilleure aventure de tous les temps de D&D par le magazine Dungeon en 2004.

Enfin le S4 Lost Caverns of Tsojcanth par Gary Gygax encore sort en 1982 et c'est malgré tout un des plus vieux scénarios, car il s'agit du deuxième module écrit (après le Palace of the Vampire Queen de Wee Warriors) de D&D. Proposé donc originellement à la Wintercon V en 1976 sous le titre légèrement différent Lost Caverns of Tsojconth (8 pages seulement, et des prix stratosphériques de nos jours), ce module va lui aussi être converti à AD&D et considérablement étendu (grâce aussi à Robert J. Kuntz) avec deux livrets de 32 pages, l'un pour le scénario proprement dit, et l'autre contenant des nouveaux monstres, sorts et objets magiques (qui vont se retrouver par la suite dans le Monster Manual II et l'Unearthed Arcana). Étonnamment, il se retrouve dans la série S, alors qu'il était à l'origine prévu pour avoir le code WG3, le WG4 Forgotten Temple of Tharizdun étant une suite (assez "libre"), c'est d'autant plus incompréhensible que le I1 Dwellers of the Forbidden City était originellement prévu pour avoir le code S4. En tous les cas, on est ici dans du Greyhawk, avec notamment des PNJs et des monstres très emblématiques de l'univers. L'idée semblait de proposer une grosse campagne, avec en WG1 The Village of Hommlet, WG2 Temple of Elemental Evil, et WG3 Lost Caverns of Tosjcanth. Cela sera donc différent, et il n'existe pas de modules WG1-2-3 en fin de compte. Cela est peut être du à du retard dans le développement, car dès 1980 Gygax et Kuntz disaient qu'ils devaient finaliser Lost Caverns of Tsojcanth mais il aura fallu attendre encore 2 ans pour qu'il soit publié. Le scénario sera adapté en 3ème édition comme une des trois parties du Iggwilv's Legacy: The Lost Caverns of Tsojcanth, et gratuitement téléchargeable. Le S4 Lost Caverns of Tsojcanth a été classé 22ème meilleure aventure de tous les temps de D&D par le magazine Dungeon en 2004.

Il était apparemment prévu des modules S5 et S6 mais ils ne sortiront pas avant 1995 en 2nd Edition sans code de module (cela ne se fait plus à cette époque), respectivement Dancing Hut of Baba Yaga et Labyrinth of Madness.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

jeudi 28 août 2025

Portrait de famille - la série des Gazetteers, pour D&D Basic / Expert

Une Chronique de Jean-Luc Barbera

Aujourd'hui, la série Gaz (pour Gazetteer) pour D&D Basic.


 

Cette série de modules va trancher avec ce qui se faisait avant, car il va s'agir principalement de modules de background plutôt que de scénarios. Chaque module va décrire une contrée du Known World telle qu'apparue dans la boite Expert et la carte du module X1.

À l'origine, le monde a été créé par Lawrence Schick et Tom Moldvay pour leurs propres parties de D&D entre 1974 et 1976. Le monde est fortement inspiré par des cultures de notre monde réel (et est un sacré patchwork). L'idée était de créer un univers partagé, un peu comme Lovecraft avait partagé son mythe avec d'autres auteurs. Quand ils vont travailler chez TSR, et notamment pour la gamme Basic, on va leur dire qu'ils ne peuvent pas utiliser le monde de Greyhawk qui est réservé à AD&D. Ils vont proposer leur Known World et cela va être accepté. Pendant plusieurs années, le monde ne va pas vraiment être décrit davantage, au contraire, certains modules vont décrire de nouvelles régions. Mais en 1987, Frank Mentzer qui était responsable et auteur des cinq boites de la gamme BECMI est parti lui aussi de TSR. C'est Bruce Heard qui va être chargé de reprendre la gamme. Mais chez TSR, après le départ de Gygax et Mentzer, certains n'aiment pas trop travailler sur le BECMI, bébé de Mentzer, très proche de Gygax. J'ai déjà parlé de Dave Arneson qui avait déclaré que des gens chez TSR n'aimaient pas travailler avec lui à ce moment là.

Bruce Heard va donc avoir principalement recours à des auteurs freelance pour la nouvelle série de modules qu'il envisage (il n'aime pas les scénarios "génériques"), et surtout il va pouvoir faire ce qu'il veut car beaucoup se désintéressent de la gamme Basic chez TSR.

Chaque module va donc décrire une contrée du Known World de 1981, avec son histoire, sa politique, société, économie, peuple, géographie, etc... Mais il va y avoir aussi quelques nouvelles règles, et parfois des scénarios (beaucoup plus petits que ce qu'il se faisait avant par contre).

Le premier module GAZ1 The Grand Duchy of Karameikos sort en 1987 et est écrit par Aaron Allston (j'avais dit qu'il allait prendre de l'importance pour le Known World, ce n'est que le début). Le choix de Karameikos est du au fait que beaucoup de scénarios s'y déroulent déjà, et qu'il a du coup été un peu plus décrit que les autres contrées. Le module contient un nouveau système de compétences les "General Skills" qui rappellent les "Non-Weapon Proficiencies" apparues dans le Oriental Adventures.

Le Duché change quelque peu aussi, il est moins sauvage et plus peuplé (la capitale Specularum passe de 5000 à 50000 habitants !). Avec "juste" 64 pages, il va rester un des modules préférés des fans du Known World tellement il y a de quoi y faire. L'influence de cette région est le sud-est de l’Europe moyenâgeuse.

La même année voit arriver le GAZ2 Emirates of Ylaruam par Ken Rolston (lui-aussi freelance). La structure du livre est la même, et il commence à se populariser une section sur ce que savent les joueurs, qui par la suite gagnera de l'importance au point de devenir un livret à part. Ici on est dans un pays des mille et une nuits (avant Al-Qadim en fait), avec toutes les inspirations possibles du moyen-orient. Les informations sont quasiment toutes nouvelles, car on ne savait pas grand chose de cette contrée avant. Il faut dire qu'il y avait déjà eu un certain nombre de modules D&D/AD&D se déroulant dans des déserts (chauds et sablonneux).

Toujours en 1987, on a le GAZ3 Principalities of Glantri par Bruce Heard lui-même, et on passe à 96 pages de supplément. La région n'est pas trop décrite par les modules pré-existants, et Heard va s'en donner à cœur joie. La ville de Glantri est excessivement détaillée (presque autant que Lankhmar c'est pour dire), et l'influence est ici de l’Europe de l'ouest moyenâgeuse, à la différences qu'elle est dirigée par des princes magiciens, avec des influences d'horreur (on trouve des loups garous, des vampires, liches, etc parmi les dirigeants (tout cela avant l'univers de Ravenloft). Heard va aussi renforcer le lien avec l'Averoigne de Clark Ashton Smith, en relocalisant la famille d'Ambreville du module X2 dans Glantri. Il y a même une principauté appelée New Averoigne. Côté crunch, on a évidemment vu le thème des nouveaux sorts et objets magiques. Glantri va être un des modules préférés des fans là aussi, et d'ailleurs, on y reviendra encore quelques années plus tard, mais j'aurai l'occasion d'en reparler.

Et encore la même année, on a ensuite le GAZ4 Kingdom of Ierendi par Anne Gray McCready, et on retombe à 64 pages. On a ici un royaume nautique, un archipel qui est décrit, à la manière des précédents modules de la série, mais avec beaucoup moins d'infos à destination des joueurs. Il y a un côté satire et humoristique, car il s'y fait du tourisme (les riches nobles y viennent en vacances) et on trouve des références à la pop culture comme par exemple la série TV Magnum (!) Ce sont des choses qui ne vont pas être du goût de tous.

En 1988, on va avoir pas moins de 6 modules de cette série (vu que toutes les autres séries sont terminées...)

D'abord le GAZ5 Elves of Alfheim par Steve Perrin et Anders Swenson. Premier royaume non humain décrit, et première fois que TSR sortait un bouquin sur les elfes (on en aura beaucoup d'autres par la suite), qui étaient déjà populaires. Retour à 96 pages avec une petite section pour les joueurs, et un peu de crunch sur notamment la création de persos elfiques. On a une forêt à côté d'un désert, et les auteurs ont trouvé une explication magique pour cela (quand je disais que c'était très patchwork). Le monde est très high fantasy pour ces choses là je pense au passage. Sinon, apparemment Bruce Heard aurait aimé une capitale moins orientée sur la forêt, mais comme elle est détruite par la suite dans Wrath of the Immortals, ce n'est pas vraiment important au final. ^^ On trouve différentes tribus elfes, mais il n'existe pas de demi-elfe.

Ensuite on a GAZ6 Dwarves of Rockhome par Aaron Allston, qui va décrire évidemment le royaume des nains. La section destinée aux joueurs augmente considérablement, et niveau crunch on a une nouvelle classe avec le nain-clerc, ainsi que des compétences. Là aussi, c'était le premier supplément sur les nains de TSR, et il y en aura plein d'autres par la suite. On a l'organisation en clans classique des nains ici (avec un clan orienté technologie au passage).

Puis le GAZ7 Northern Reaches par Ken Rolston débarque et change un peu le format. On a ici deux bouquins, un de 32 pages pour les joueurs et un de 64 pour le DM. Les trois régions d'inspiration viking sont décrites: Ostland, Vestland et Soderfjord. Il y a des règles pour créer des personnages de cette région (avec des tables de traits aléatoires), ainsi que l'habituelle section sur ce que savent les personnages, ainsi que de la magie runique. Le module vient aussi avec des fiches cartonnées à découper pour reconstituer un village viking en 3D. On a des indications pour convertir tout cela à AD&D. Ces indications vont se généraliser dans les produits D&D Basic, signe de son déclin, car la production va beaucoup diminuer jusqu'à s'arrêter dans les années 90.

Arrive ensuite le GAZ8 Five Shires par Ed Greenwood, monsieur Forgotten Realms lui-même, et cela se voit dans le module. Celui-ci décrit la contrée des halflings, et Greenwood va même jusqu'à les appeler ces derniers "hin" comme dans ses Royaumes. À la question si on peut utiliser ce supplément dans les Royaumes Oubliés, il a répondu:

"Sure. Superimpose the Luiren cities and government structure, shift places 'just a little' to make room for them, and, yes, it works admirably for that. Almost as if someone designed it that way." On ne peut plus clair. Côté crunch, on a une nouvelle classe pour le halfling dans le livret pour les joueurs. 

Le GAZ9 Minrothad Guilds par Deborah Christian et Kim Eastland décrit quant à lui un autre royaume nautique, mais très différent de Ierendi malgré tout. On a ici des guildes marchandes (d'ailleurs côté crunch, on a une nouvelle classe de marchand qui est présentée avec des règles détaillées sur le commerce, et des règles pour l'aventure nautique). On y trouve aussi l'elfe aquatique qui fait son apparition dans D&D Basic.

Enfin pour finir l'année, on a le GAZ10 Orcs of Thar par Bruce Heard. Le module décrit les "Broken Lands" qui sont peuplées d'humanoïdes comme les orques, gobelins, kobolds et autres. On a ici un bouquin pour les joueurs plus gros (48 pages) car il y a tout un tas de règles pour jouer des humanoïdes (et cela bien avant le Complete Book of Humanoids), ce qui était une première pour D&D (et TSR surtout) à l'époque, et deux nouvelles classes de personnages, le shaman et le wicca. Le bouquin du MD ne fait donc que 48 pages, on reste donc sur la longueur standard pour les Gazetteers. On retrouve un mini jeu de plateau paru dans le magazine Dragon, "Orcwars!", et il y a donc des tokens fournis.

1989, ça va commencer à diminuer. On va avoir le GAZ11 Republic of Darokin par Scott Haring, qui décrit une contrée d'inspiration italienne marchande de la fin du moyen-âge début de la Renaissance. On retrouve un livret pour le MD de 64 pages, et un pour le joueur de 32. La république est en fait une ploutocratie, et parmi le crunch, on a encore une nouvelle classe de marchand, et des règles de commerce (terrestre cette fois-ci), avec les règles pour des personnages de Darokin, et des compétences appropriées. Et on a de quoi faire une caravane marchande en 3D.

Ensuite le GAZ12 Golden Khan of Ethengar par Jim Bambra, qui revient écrire pour D&D après quelques années à avoir bossé sur la campagne de l'Ennemi Intérieur de Warhammer. La contrée ici est clairement d'inspiration mongole, et est une des contrées "agressives" du Known World. Côté crunch, dans le guide du joueur de 32 pages, on a une nouvelle classe de shaman, mais aussi les 4 classes de base qui sont revisitées façon mongol. On a aussi des nouvelles armes et armures. Le livret du MD toujours de 64 pages, va contenir comme d'hab le fluff. On a des stats pour le Battlesystem et le Warmachine.

Ensuite, il y a une sorte de hors série, avec la boite Dawn of the Emperors - Thyatis and Alphatia par Aaron Allston (qui n'en a pas fini par le Known World), boite qui n'a pas de code module. Certaines l'appellent Gaz0, d'autres Gaz15, chronologiquement, il est sorti entre le 12 et le 13, ce qui en ferait un 12.5. Enfin bref, originellement appelé "Thyatis & Alphatia Campaign Set" puis "Twilight of the Empires" comme annoncé dans des pubs en 1988, c'est finalement Dawn of the Emperors: Thyatis and Alphatia. Thyatis est inspiré de l'empire romain et byzantin, principalement un royaume guerrier, et cela se ressent dans le guide du joueur de Thyatis, avec des nouvelles règles d'armures, une classe de forestier et une nouvelle sorte de voleur. Des compétences également. Le guide du joueur d'Alphatia, magiocratie (avec des colons d'un autre monde !), est orienté sur des sorts et création d'objets magiques, Si Thyatis apparaissait sur la carte de la boite Expert, Alphatia est décrit pour la première fois, se trouvant à l'est de Thyatis, et ayant été introduit par certains modules dont j'ai déjà parlés. Les deux guides de joueur font encore 32 pages, et le livre du MD fait 128 pages.

Chez TSR, on considère que les modules avec un numéro élevé se vendent moins bien apparemment, ce qui entraîne un écart encore plus important pour les deux dernières sorties.

C'est en 1990 qu'arrive le GAZ13 Shadow Elves par Carl Sargent et Gary Thomas. Ici, est décrit une région qui n'était pas du tout sur la carte originale, on entre dans les profondeurs et on commence à toucher à la Terre Creuse qui arrivera plus tard mais j'y reviendrai. On retrouve le format standard des Gazetteers, et on découvre le peuple des shadow elves (avec deux nouvelles classes au passage, ainsi que des compétences), mais ne dites pas qu'il s'agit de drow à un fan du Known World, juste parce qu'ils vivent sous terre et n'aiment pas les elfes de la surface, ils le prennent mal... C'est malgré tout un supplément des plus plus appréciés de la série.

Et enfin, pour conclure cette série, il faut attendre encore un an, en 1991 pour la sortie du GAZ14 Atruaghin Clans par William W. Connors (qui sera beaucoup plus connu pour son travail par la suite sur Ravenloft). Ici la contrée est clairement d'inspiration amérindienne, et elle va au-delà de ce que l'on pouvait voir sur la carte originale. Par contre, un changement, le livret pour le MD ne fait que 32 pages et c'est celui des joueurs qui en fait 64, ce qui fait que ce module contient beaucoup plus de crunch que ses prédécesseurs. On a encore une classe de shaman (ici shamani pour la distinguer des précédentes). On a des règles pour les esprits totémiques, des compétences, et autres règles de background familiales.
Cette contrée est elle-aussi connectée à la Terre Creuse.

On remarquera aussi le nouveau logo D&D sur la couverture, mais la gamme D&D Basic était très proche de la fin à cette époque.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

 

mercredi 27 août 2025

Portrait de famille - Spelljammer

Une chronique de Jean-Luc Barbera

1989 voit la sortie d'un tout nouvel univers pour AD&D. Après World of Greyhawk, Dragonlance puis Forgotten Realms lors de la 1er édition (sans compter les licences Conan et Lankhmar, ainsi que le Known World pour D&D basic), débarque Spelljammer AD&D Adventures in Space par Jeff Grubb. L'idée est de sortir régulièrement un nouvel univers, le supporter pendant quelques années, et l'abandonner. C'est ce qui va donner à la 2ème édition sa multitude de settings, mais aussi une des raisons qui va causer la chute et fin de TSR quelques années plus tard. Avec Spelljammer on tombe dans dans la space fantasy, qui était surtout populaire dans les années 70. Pour le coup, ils ont voulu faire très différent des précédents univers, et Spelljammer est la premier à mettre la barre assez loin au niveau du changement (d'autres univers la pousseront encore par la suite).

Une autre idée de Spelljammer est aussi de pouvoir relier les différents mondes de AD&D, d'une autre façon que la "Great Wheel" originale. Chaque monde se trouve dans une sphère de crystal, avec ses propres lois, ses propres étoiles et planètes. Le spelljamming, qui mélange magie et technologie, va permettre de voyager d'une sphère de cristal à une autre. C'est aussi une manière d'abandonner donc cette grande roue, et notamment les démons et diables qui, pendant quelques années du moins, vont être abandonnés au début de cette 2nd édition de AD&D.

On a des nouvelles races qui sont inventées pour la première fois, là où d'autres prennent une importance particulière et nouvelle. Le Mind Flayer notamment, peut être suite à sa version SF du module S3 Expedition to the Barriers Peaks, va devenir un des ennemis majeurs des aventuriers de Spelljammer. On va trouver donc les néogis, et les giffs (création de Grubb, après les thanois de Dragonlance et avant les yak-men qu'il créera pour Al-Qadim), entre autre. Le Beholder va lui aussi connaître tout un tas de variantes, qu'on retrouvera par la suite (en 2nd et 3ème édition).

En 1990 et 1991, vont sortir deux Monstrous Compendiums Appendix (MC7 par Jeff Grubb et 9 par Scott Davis, Newton Ewell et John Terra), dans la lignée des Monstrous Compendiums sortis depuis le début de la 2ème édition (donc des fiches perforées, avec des intercalaires de couleur illustrées, à intégrer à un des classeurs de rangement, dont je reparlerai probablement dans un futur portrait de famille). Ces deux monstrous contiennent beaucoup de monstres bizarres, allant défier le Fiend Folio des années 80 à ce niveau. Certains seront réutilisés par la suite malgré tout. Petite anecdote, ils avaient créé des hamsters géants de l'espace, qui faisaient tourner les roues de certains vaisseaux. C'est cette créature qu'on retrouvera en version miniature en Boo, dans la série de jeux vidéos Baldur's Gate une décennie presque plus tard.

En 1991, on va avoir une deuxième boite, The Legend of the Spelljammer par Jeff Grubb, premier gros supplément de background pour Spelljammer, et surtout la première vraie description de l'univers en fait, la première boite servant surtout à relier les 3 univers de base de AD&D. Ici, d'ailleurs, les personnages sont plutôt sensés rester dans l'univers même de Spelljammer. Il y a deux idées de campagnes à développer, qui s'insère dans le background développé, et qui sont orientées Sandbox. C'est probablement l'un des suppléments les plus intéressants de cette gamme.

1990 voit arriver les premiers scénarios pour cet univers (code A pour Adventures). Le SJA1 Wildspace par Allen Varney est un scénario d’introduction à l'univers et va être comme beaucoup de modules des années 90 orienté histoire/complot, (même s'il a un gros gros donjon), et met en avant les beholders.

Le SJA2 Skull & Crossbows par Nigel Findley quant à lui est une collection de plusieurs aventures, sur le thème de la chasse aux pirates de l'espace, et introduit les drows de l'espace notamment. Le Rock of Bral sert un peu de base, et sera décrit plus en détails par la suite.

Le SJA3  Crystal Spheres par J. Paul LaFountain, sorti aussi en 1990, propose une aventure épique où il faut sauver un soleil (rien que ça). Il introduit de nouvelles sphères de cristal, et on ne touche donc toujours pas trop à celles de base (à savoir Greyhawk, Forgotten Realms, Dragonlance), mais ce sera le cas pour toute la gamme en fait.

SJA4 Under the Dark Fist par Grant Boucher débarque quant à lui en 1991, et les joueurs vont combattre pour l'alliance libre de l'espace contre le tyrannique empire Vodoni (tiens donc). Il y a de quoi en faire une longue campagne en étoffant les détails. C'est plus haut niveau aussi que les autres scénarios. Malheureusement, le background développé ici aussi, mis à part le Rock of Bral qui sert toujours un peu de base d'opérations, ne sera pas réutilisé par la suite.

Le SJS1 Goblin's Return par Bruce Nesmith sort aussi en 1991. Le mystère plane sur le changement de code de module (surtout que ça va encore changer). On a ici enfin une réelle utilisation du background de Spelljammer, avec l'introduction d'un metaplot, et un scénario d'infiltration, où les ennemis sont les scros, une variante d'orques, apparue dans le MC7 (orcs à l'envers donc). Cela va être le début de la seconde Unhuman War.

En 1992 le SJQ1 Heart of the Enemy par Rick Swan voit le jour, et c'est, même si son code ne le laisse pas paraître, une suite de Goblin's Return. On a donc du plot à gogo, mais malheureusement, cela sera le dernier scénario pour Spelljammer. Le metaplot de la 2nd Unhuman War sera encore utilisé dans certains romans apparemment. Dommage.

Ensuite, il y a eu aussi des accessoires (que je n'ai pas tous), code R pour Ressource.

Le SJR1 Lost Ships par Ed Greenwood sorti en 1990 contient diverses choses: nouveaux vaisseaux, nouveaux sorts, équipements, etc... et quelques très courts scénarios. Il met en avant certaines races "classiques" qui n'avaient pas encore été touchées dans Spelljammer.

Le SJR2 Realmspace par Dale "Slade" Henson sort en 1991. Il contient tout un tas de nouveautés centrées sur la sphère de cristal des Forgotten Realms.

Toujours en 1991 sort un écran pour le setting: SJR3 Dungeon Master Screen.

1991 encore, voit la sortie du SJR4 Practical Planetology par Nigel Findley. Il s'agit d'un supplément très orienté fluff, avec la description de plusieurs nouvelles planètes et leur sphère. Il y a aussi quelques monstres, donc certains "classiques", d'autres jamais revus par la suite. Malheureusement, tout cela reste indépendant et non relié à tout ce qui est développé dans les divers produits de ce setting. Après, c'est écrit par Nigel Findley, donc bon.

Le SJR5 Rock of Bral par Richard Baker arrive enfin en 1992. C'est un des rares éléments de background à apparaître dans divers produits. On trouve ici la description détaillée de cette ville qui sert de base aux aventuriers la plupart du temps dans les divers modules. On ne sait pas par contre, où elle se situe réellement. Pas de position officielle, aux MDs de la placer où ils le souhaitent. On a donc ici un gros supplément de fluff.

Le SJR6 Greyspace par Nigel Findley arrive ensuite, mais peut être moins fourre-tout que le Realmspace, et est une grosse expansion du background de Greyhawk (même s'il ne sera jamais vraiment réutilisé, à part quelques références par ci, par là).

En 1993, on va avoir les derniers suppléments de cette série R, avec d'abord le SJR7 Krynnspace par Jean Rabe qui conclue la description du dernier pilier du "Radiant Triangle" composé de Greyhawk/Forgotten Realms/Dragonlance. Ensuite le SJR8 Space Lairs par Nicky Rea et Wes Nicholson, qui est une sorte de Book of Lairs pour Spelljammer, à savoir une multitude de minis-scénarios centrés sur l'antre d'un monstre, même s'ils sont ici moins nombreux, et un peu plus longs.

Il existe 3 autres suppléments que je n'ai pas, mais dont seul l'un d'entre eux m'intéresse vraiment.

Sorti en 1922, le CGR1 The Complete Spacefarer's Handbook par Curtis M. Scott est dans la lignée des Handbooks sortis pour la gamme générique, mais orienté sur l'univers de Spelljammer évidemment. Des nouvelles règles, options, nouvelles races jouables, kits, etc... Très crunchy donc. Le truc le plus intéressant dedans me semble les connections qu'ils développent entre l'univers de Spelljammer et les autres univers sortis par la suite (après 1989 donc).

Il y a ensuite une troisième boite, sortie en 1992, The War Captain's Companion par Dale "Slade" Henson. C'est un supplément dans la lignée de Greyhawk Wars, un peu boardgame/wargame. Il y a donc plein de pions pour faire des grosses batailles dans l'espace (celles de la boite de base relèvent plus de l'escarmouche et de l'abordage standard entre deux vaisseaux), avec plein de nouvelles règles et d'options. C'est un supplément crunchy donc.

Enfin, le dernier produit sort en 1993, avec la boite The Astromundi Cluster par Sam Witt, qui est, parmi tout ce qui me manque, ce qui m'intéresse le plus.

C'est une sorte de reboot de l'univers, une nouvelle version de Spelljammer, immédiatement orienté comme lieu de campagne pour les joueurs. On y trouve notamment la première "origine" des mind flayers, (avant qu'elle soit changée au moins à deux reprises à ma connaissance par la suite), et aurait pu servir de multivers contenant les mondes originaires de tous un tas de créatures et races de AD&D. Cette nouvelle version est distincte de la précédente, elles ne communiquent pas, car elles sont très différentes. Ce serait la version la plus aboutie et la mieux décrite de la gamme Spellammer. Et donc la raison pour laquelle, c'est le supplément qui m'intéresse le plus parmi le bon tiers qu'il me manque.
Spelljammer était prévu pour durer deux ans à la base, et aura duré deux de plus, le succès n'étant pas si mal au final.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

 

mardi 26 août 2025

Portrait de famille - AD&D 2ième édition

 Une chronique de Jean-Luc Barbera

Gros, très gros portrait de famille aujourd'hui (le boute-en-train du fond va faire une attaque), avec un survol absolument pas exhaustif de la 2ème édition de AD&D, pour ce qui est des livres "génériques", la prolifération des univers dans cette 2ème édition ayant donné naissance à des centaines de produits, ce qui sera une des raisons de la banqueroute de TSR. Je reviendrai sur les modules (scénarios) dans un autre portrait de famille, et vais plutôt ici parler des livres de règles ou de certains accessoires tels qu'on a pu en voir au cours des années 90. Et notamment, principalement aux livres que je possède car j'ai beaucoup plus acheté de livres fluff que crunch, donc ce que je possède en crunch est plutôt limité par rapport à ce qui existe, comme on pourra néanmoins le voir.


C'est en février 1989 que débarque le nouveau Player's Handbook de David "Zeb" Cook avec Steve Winter et Jon Pickens. À noter que maintenant, les apostrophes sont présentes dans les titres des manuels, ce qui n'était pas le cas avant.

La genèse de cette deuxième édition remonte à au moins 1984. En effet, dans le Dragon #90, Gary Gygax lui-même parlait d'une extension/réorganisation/révision des règles de AD&D. Dans le Dragon #103 de novembre 1985, il est question dans la série d'articles de Gary, "From the Sorceror's Scroll", de la seconde édition de AD&D.

C'est les sorties récentes de l'Unearthed Arcana et de l'Oriental Adventures qui ont encouragé Gary à envisager cette réorganisation des règles, vu les nouvelles qui étaient apparues dans ces deux ouvrages. Il était question de l'ajout de trois nouvelles classes : le mystique (sous classe de clerc), le savant (de magicien), et le bouffon (sorte de barde). Un nouveau Monster Manual compilerait des monstres du MM, MMII et Fiend Folio, ainsi que certains issus des pages de Dragon magazine.

Mais fin 1985, Gygax est poussé vers la sortie de sa société.

Il faudra plus d'un an pour que TSR envisage de nouveau une nouvelle édition, ayant peur de provoquer la colère des fans, et de rendre les livres obsolètes. Il est d'abord envisagé de faire un simple travail d'édition, mais rapidement, il devient évident devant la quantité de livres sortis qu'il va falloir tout réécrire. David Cook annonce dans le Dragon #117 de janvier 1987 une réorganisation et un nouveau développement majeur des règles.

Pendant les deux années suivantes, Cook et Winter vont parler dans l'article "Game Wizards" de Dragon magazine de cette nouvelle édition. Parfois, cela mènera à des réactions un peu houleuses.
Dans le Dragon #124 de janvier 1987, Michael Dobson annonce que les deux premiers livres seront terminés pour décembre de la même année, pour être playtestés par la RPGA début 1988, avant d'être corrigés sur le reste de l'année, pour être en vente en mars ou avril 1989. Frank Mentzer déclarait tout récemment que la 2nd édition aurait été bien différente si elle avait été faite par Gygax, et que David Cook avait reçu notamment l'interdiction formelle de le contacter pour en discuter.

Le nouveau PHB contient beaucoup plus de règles que celui de la première édition, qui permettait essentiellement de créer les personnages (mis à part le tirage des caractéristiques) et d'avoir les listes d'équipement, de sorts... Les règles se trouvant dans le DMG. Ici beaucoup des règles seront dans les deux ouvrages, quelques unes restant uniquement dans le DMG. Le but étant de donner un maximum de règles dont les joueurs ont besoin accessibles aux joueurs, ce qui amène le PHB à faire une bonne centaine de pages de plus que son prédécesseur.

On trouve un certain nombre de changements, dont certains ont été sujets à controverse. Certains changements auraient pu être bien plus majeurs (par exemple, il avait été envisagé d'éliminer les classes, et d'inverser la Classe d'Armure), mais un certain nombre de ces changements potentiels ont été abandonnés pour la meilleure compatibilité possible entre les éditions. Des classes et races ont été abandonnées, le barde ayant été sauvé in extremis suite à la demande massive des joueurs. De plus, les règles sont faites pour être plus flexibles, et optionnelles. En effet, les règles de la première édition étaient plus rigides pour avoir un cadre bien défini pour encadrer les tournois compétitifs des années 70. Un des ajouts majeurs dans le PHB a été les "non-weapon proficiencies" apparues dans l'Oriental Adventures et dans d'autres livres par la suite. Elles sont mises malgré tout dans un chapitre optionnel.
Il y a aussi des règles spécifiques pour les prêtres en fonction de leur dieu. Les premières règles à ce niveau remontent à la boite de Greyhawk de 1983 mais c'est surtout celles du Dragonlance Adventures de 1987 qui sont ici utilisées et adaptées. Pour le mage, on a des spécialisations possibles, et l’illusionniste est ici un exemple de ces spécialisations.

Le THACO qui était utilisé dans des scénarios ou suppléments de la 1er édition fait son apparition ici dans les règles de base du combat.

C'est en mai 1989 qu'arrive le nouveau Dungeon Master's Guide toujours par David "Zeb" Cook avec Steve Winter et Jon Pickens. Il a falli devenir le Dungeon Master's Handbook, mais finalement l'ancien nom est resté. À noter que lui aussi récupère son apostrophe comme le PHB, mais il la reperdra ensuite ainsi que le S dans les impressions futures (comme on peut le voir ici sur l’exemplaire de la photo). Pour quelle raison ? Je l'ignore. Le délai de 3 mois n'a pas été un problème pour jouer, vu que la majorité des règles étaient aussi dans le PHB. On a eu en parallèle des modules qui exposaient les changements de cette édition, jusqu'à parfois trouver des raisons dans l'univers de jeu, comme par exemple le WG8 Fate of Istus ou la trilogie Avatar pour les Forgotten Realms.

Le livre de base de règles n'étant plus le DMG comme en 1er édition mais le PHB, le nouveau DMG reprend les chapitres du PHB en donnant des conseils, du contexte supplémentaire, quelques nouvelles règles optionnelles, ainsi que quelques règles boites à outils du MD, avec des règles de création de races ou classes par exemple. L'idée est de rester dans un guide plutôt que dans un manuel de règles strictes et d'éviter le doublon d'informations.

La seule "mécanique" vraiment exclusive au DMG reste les objets magiques, certainement pour ne pas gâcher la découverte en jeu (quelque chose qui perdurera par la suite sauf au cours de la 4ème édition qui est l'exception). Par contre, la section sur les artefacts est considérablement réduite, avec juste 3 exemples de tels objets uniques.

Il est aussi question des différents plans d'existence, avec un petit chapitre, même si comme on va le voir juste après, il y avait des changements à ce niveau là aussi.

Le Dungeon Master's Screen sort en 1989 (mais je n'ai pas trouvé de date plus précise), et est designé par Jean Rabe et Bruce Rabe. Il contient un scénario de 16 pages venant d'un tournoi RPGA, et il est complété par des conseils au MD.

Le nouveau livre de monstres, arrive en juin de cette même année 1989, et change de nom pour s'appeler MC1 Monstrous Compendium Volume One, "Compendium" pouvant sembler approprié, car il n'y a pas vraiment de règles dans ce livre.

Les livres de monstres de AD&D sont ce qu'il y avait de plus compatible entre les deux éditions, et d'ailleurs les réimpressions des MM et MMII de la 1er édition vont continuer toute l'année 1989 et voir même encore un peu en 1990. Seuls les géants et surtout les dragons vont changer davantage en étant plus puissants. Les dragons notamment étaient considérés bien trop faibles en 1er édition. C'est quelque chose qui apparaît en preview dans l'article "The New Ecology of the Dragons" dans Dragon #146 de juin 1989.

D'ailleurs, on voit apparaître deux nouvelles section "Habitat" et "Ecology" pour rajouter du fluff aux monstres. C'est quelque chose qui remonte au magazine Dragon #72 d'avril 1983 avec l'article "The Ecology of the Piercer". Il sera suivi de nombreux autres articles du même genre pour développer le background des monstres et cela durement jusqu'à la fin du magazine à l’orée de la 4ème édition. Mais c'est la première fois qu'on le voit dans un livre de monstres.

Le gros changement vient du fait qu'il s'agit d'un classeur avec 72 fiches perforées, avec en général un monstre par page, et 6 intercalaires pour le classement. Le classeur est suffisamment gros pour ranger de futurs Monstrous Compendium (mais pas assez malgré tout).

Ce n'est pas quelque chose de totalement nouveau. Les jdr Hidden Kingdom de 1983 et Encyclopedia Harnicas (1984-1985) avaient déjà exploité cette idée. TSR l'avait aussi déjà utilisé pour le Gamer's Handbook of the Marvel Universe en 1988. À noter que les bouquins des boites B/X de 1981 étaient aussi perforés, dans l'idée de les mettre dans un classeur, même le tout était quand même agrafé.
Il va sortir en tout quinze Monstrous Compendium sous ce format jusqu'en 1992, mais seuls deux d'entre eux seront vendus avec un classeur (le MC1 mais aussi le MC4 Dragonlance Appendix).

Le MC2 Monstrous Compendium Volume Two arrive peu de temps après en août. Le Volume One contenait majoritairement des monstres du Monster Manual de la 1er édition, parmi les plus emblématiques du jeu, en plus de tout ce qui est animaux normaux ou géants. Le Volume Two va piocher davantage dans le Monster Manual 2 et le Fiend Folio, même s'il contient lui aussi certains monstres emblématiques du jeu.

Ce Volume Two consiste lui aussi en 72 fiches perforées, destinées à être intégrées dans le classeur du Volume One.

Ces deux volumes sont considérés comme étant la base des monstres de AD&D.

Mais il y a deux catégories absentes parmi les favoris des joueurs: les démons et les diables. James M. Ward expliquera quelques mois plus tard dans un éditorial intitulé "Angry Mothers from Heck" de Dragon #154 (février 1990) qu'il recevait une à deux lettres chaque semaine depuis des années où des personnes se plaignaient que ces monstres apparaissent dans les livres de AD&D. Même si 1000 lettres comparées à peut être un million de livres vendus peut sembler dérisoire, Ward avait demandé aux auteurs de se débarrasser des démons et des diables. Skip Williams soutiendra sa décision dans le Dragon #155 de mars 1990, déclarant qu'ils ne voulaient pas donner des "munitions gratuites" aux détracteurs du jeu.

Mais l'histoire ne va pas s'arrêter là comme on va le voir.

À partir du troisième Monstrous Compendium, ceux-ci vont être associés à un des univers officiels de AD&D. Pour ceux-là, je vous renvoie aux portraits de famille de ces univers. Mais il va y avoir malgré tout d'autres Monstrous Compendium "génériques".

Le premier d’entre eux est le MC8 Monstrous Compendium Outer Planes Appendix par J. Paul LaFountain et Timothy B. Brown arrive en janvier 1991 et est un des rares Compendium à faire 96 pages.

Je disais donc que les démons et les diables avaient disparus (avec quelques autres du même genre, comme les demodands et les daemons). Tout cela remonte à 1979 avec la disparition de James Dallas Egbert III. D&D avait été désigné comme responsable de sa disparition. Les médias s'étaient emparés de l'affaire, et cela avait fait une mauvaise mais très importante publicité à TSR. Les ventes n'en avaient pas souffert, au contraire même peut être. Toujours est-il qu'il était devenu presque courant d'accuser D&D de la mort de son enfant. C'est notamment le cas d'une certaine Patricia Pulling qui a créé un des groupes anti-D&D les plus connus: Bothered about Dungeons & Dragons (BADD) qui a existé de 1983 à 1997. TSR avait déjà renommé son Deities & Demigods en Legends & Lore pour s'éviter les foudres des associations chrétiennes, et c'est donc ici la raison majeure de la disparition de ces monstres.
Toujours est-il est que ces monstres sont parmi les favoris comme adversaires des PJs (il est même coutume de dire que le jeu devrait plus s'appeler Dungeons & Demons tellement il y est plus questions de démons que de dragons). 

Ce Monstrous Compendium va ramener ces monstres dans le jeu en changeant leur nom. Par exemple, les démons vont devenir les Tanar'ri, les diables les Baatezu, les demodands les gehreleths et enfin les daemons vont devenir les yugoloths. Une nouelle catégorie, les aasimon va englober plusieurs monstres existants comme les devas, planetars et solars. On a aussi quelques nouveautés comme les archons, et on retrouve certains vieux classiques comme les githyanki, githzerai ou les slaads. Pas d'archi-diables ou de prince-démons par contre.

Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a quelques pages de background sur les différents plans d'existence historiques du jeu, ce qui va s'appeler par la suite la Grand Roue, et notamment aussi la fameuse Guerre Sanglante des démons et des diables qui y est présentée pour la première fois.

Comme certains s'en doutent, ce Monstrous Compendium servira de base à une des futures gammes les plus connues de la deuxième édition, mais c'est une autre histoire pour une autre fois.

On a ensuite le MC14 Monstrous Compendium Fiend Folio Appendix qui sort en avril 1992, plus d'un an donc après le précédent "générique". Comme son nom l'indique, il va allègrement piocher dans le Fiend Folio de la première édition, même si un certain nombre de monstres parmi les plus connus de cet ouvrage ont déjà été repris dans les deux premiers volumes et aussi surtout dans le MC5 Monstrous Compendium Greyhawk Appendix. On a ici beaucoup de monstres bien étranges qui ne sont pas encore apparus dans un autre livre de la deuxième édition. Ce monstrous est du au travail de la RPGA et n'a pas été développé par TSR, et sera d'ailleurs la dernière sortie RPGA avant plusieurs années.

On trouve aussi dans ce volume les Gem Dragons, des dragons neutres, qui remontent à un article de Arthur W. Collins encore dans Dragon magazine, le 37 de mai 1980, repris ici par Tim Beach. 

Le Monstrous Manual par Tim Beach d'après le travail de David "Zeb" Cook, Steve Winter, Jon Pickens et beaucoup d'autres sort en juin 1993. Nous voilà de nouveau avec des livres de monstres et non plus les fiches perforées sous classeur. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, il y avait rapidement un problème de place. Pour ceux qui achetaient tous ou une bonne partie des Monstrous Compendium, le classeur du Volume One, bien qu'assez gros ne pouvait tous les contenir. Même en achetant le MC4 Dragonlance Appendix qui venait avec un classeur, cela ne suffisait pas (et cela obligeait à acheter cet appendix même si on le voulait pas (à moins de racheter un Volume One en double, ce qui est pire au final). Et même avec deux classeurs, pour les plus acharnés, on ne pouvait pas tout ranger.

Il y avait ensuite le problème du classement. Les monstres étant en général présentés sur une page complète (parfois deux), il devenait impossible de les classer de façon alphabétique quand on rajoutait des Compendiums.

Enfin, le classeur était encombrant et peu pratique, et surtout les feuilles pouvaient rapidement s’abîmer. Pour toutes ces raisons, ce format a été abandonné après 4 ans et 15 Monstrous Compendiums.
Ce Monstrous Manual reste le plus gros livre de monstres pour D&D (pour ce qui est "officiel" en tout cas), avec 384 pages. On y retrouve les deux premiers Monstrous Compendium, ainsi qu'une sélection de monstres issus de tous les autres MC (d'ailleurs pour certains, cela fait un peu étrange, tellement ils étaient à la base typés pour un univers donné). Tous les autres Monstrous Compendium sortiront par la suite sous forme de livres. La plupart seront destinés à un univers spécifiques, mais il va y en avoir encore quelques uns qu'on peut qualifier de "génériques" même si ce n'est pas tout à fait le cas à la base.

Le Monstrous Compendium Annual Volume One par David Wise sort en janvier 1994.

L'idée de cette série de Monstrous Compendium était de compiler tous les monstres sortis chaque année dans tous les produits officiels, ainsi que ceux apparus dans les pages des magazines Dragon, Dungeon et Polyhedron (ils exploiteront cette idée aussi pour les sorts et les objets magiques, mais je ne vais pas m’y étendre dessus).

Ce premier volume compile donc les monstres de 1993, avec quelques exceptions, malgré tout, certains étant un peu plus anciens, étant (ré)apparus dans des produits ou magazines de 1990-1992.
L'énorme majorité des Monstrous étant liés à un univers donné, c'était ici une opportunité de les reproposer dans une version "générique", avec des descriptions expurgées du contexte spécifique à un univers et retravaillées pour être utilisables dans n'importe quel univers.

Le Monstrous Compendium Annual Volume Two par Jon Pickens sort en janvier 1995. Il suit exactement la formule de son prédécesseur, en reprenant ici les monstres de l'année 1994. À noter qu'à partir de ce Monstrous, la couverture est noire pour être harmonisée avec les autres sorties révisées de l'année 1995.

Le Monstrous Compendium Annual Volume Three par Jon Pickens sort en janvier 1996. Il reprend quant à lui les monstres de l'année 1995 de la même façon que ses prédécesseurs.

Finalement, le dernier de la série, Monstrous Compendium Annual Volume Four encore par Jon Pickens ne sort qu'en janvier 1998, avec un an de retard, l'année 1997 ayant été celle de la banqueroute de TSR et de son rachat par WotC, ce qui a décalé pas mal de sorties. Il reprend les monstres de 1996, avec une grande thématique nautique, car de nombreux monstres de cet ouvrage sont aquatiques. À noter que ce dernier volume quant à lui, précise de quel univers est originaire chaque monstre ou sa source s'il vient d'un magazine (même si l'idée reste de le rendre générique et utilisable dans n'importe quel univers, donc toujours avec des descriptions retravaillées).

Une des choses qui va beaucoup changer avec la seconde édition est la prolifération d'accessoires et de suppléments de règles divers et variés. Certains seront à couverture marron, destinés aux joueurs, et d'autres à couverture bleue destinés aux MD. Ces couleurs pour différencier supplément pour joueurs ou MD disparaîtront au milieu des années 90 pour revenir les premières années de la 3ème édition (la 3.0). Ces bouquins seront par la suite communément appelés "splat books". Je vais m'intéresser principalement à ceux que j'ai, et survoler les autres.

Dès 1989, on aura le début des PHBR (pour Player's Handbook Rules) avec les sorties du PHBR1 The Complete Fighter's Handbook et PHBR2 The Complete Thief's Handbook, suivi en 1990 par PHBR3 The Complete Priest's Handbook et PHBR4 The Complete Wizard's Handbook. Et c'est là que c'est parti en sucette pour les décennies et éditions suivantes, avec des problèmes de "power creep" à faire pâlir les plus réfractaires de l'Unearthed Arcana de la première édition. Si ces premiers volumes essayent de proposer des options de jeu et de personnalisation des personnages sans trop changer leurs capacités, par la suite, certains suppléments vont aller définitivement trop loin, et c'est quelque chose qui sera également le cas en 3ème édition (comme on dit, celui qui ignore l'histoire est condamné à la répéter). Le PHBR3 est un cas unique par contre, car il est probablement le seul livre à rendre la classe à laquelle il se consacre moins puissante que dans le PHB. Certainement une des raisons qui le rend impopulaire même s'il contient malgré tout son lot de choses intéressantes.

On va aussi retrouver d'une certaine façon des classes disparues en 2nd, via les kits de personnage qui rajoute un couche sur les classes pour les distinguer. L'idée est des plus intéressantes, mais là, encore, cela ira beaucoup trop loin (un problème que l'on retrouvera encore en 3ème édition avec les classes prestiges). Certains kits reviendront sous la forme de classes prestiges en 3ème édition ou même en « sous-classes » pour la 5ème édition.

Le cinquième de la série arrive en 1991 et il s'agit du PHBR5 The Complete Psionics Handbook par Steve Winter. Les règles sur les psi ayant disparu des livres de base de la 2nd édition, les revoilà à l'honneur dans un supplément dédié. Cela ne manquait pas vraiment, les psi étaient rares en 1e édition, et parfois il valait mieux de pas l'être pour éviter d'être la cible de certains monstres psi particulièrement puissants, car seul le Mind Blast pouvait affecter les non psi, les autres modes d'attaques ne pouvant affecter qu'un personnage psi. Même Gary Gygax avait déclaré que si c'était à refaire, il n'aurait pas inclus de règles pour les psi dans AD&D (elles étaient d'ailleurs parmi les rares règles optionnelles de la 1er édition dans l’appendice).

Là où les règles de la 2ème édition restaient très proches de celles de la 1er, pour ce qui est des règles psi, les changements vont être plus conséquents. Le résultat va être pour le moins différent et unique du reste de D&D. À noter que la structure des pouvoirs psi vont être majoritairement inspirés de la série Pliocene Exile de Julian May. Et au niveau de l'équilibre, on va avoir de tout. Des trucs pas efficaces pour deux sous, des trucs sympas, et des trucs ultra puissants (en fonction des choix de disciplines et spécialités). Son intérêt pour ma part réside surtout dans le fait qu'il est quasi essentiel pour l'univers très stylé de Dark Sun, ou vraiment approprié pour certains monstres psi emblématiques (comme le Mind Flayer, et la série de scénarios Monstrous Arcana qui lui est consacré).

Le PHBR6 The Complete Book of Dwarves par Jim Bambra sort en 1991. Il change un peu le concept en étant consacré ici à une race du PHB plutôt qu'une classe. Il n'y avait pas encore eu de suppléments dédiés à une race jouable comme cela dans le jeu, et notamment en terme de background et de fluff. En 1e édition, il y avait eu une série d’articles de Roger E. Moore dans les numéros de Dragon magazine #58-62 de février à juin 1982 qui donnaient pas mal d'informations sur les races du PHB. Ici les nains vont donc être étudiés sous toutes les coutures, et comme il s'agit d'un supplément pour les joueurs, il va y avoir le lot habituel de kits et autres options de jeux et d'équipement, ainsi que le retour des différentes sous-races de nains. Pour ma part, le bouquin m'intéresse, car environ la moitié est uniquement du fluff. Mais il est réputé comme plutôt bien équilibré.

Le PHBR7 The Complete Bard's Handbook par Blake Mobley sorti en 1992 est peut être le premier où l'augmentation de puissance se fait sentir. On pourra ici dire que ce n'est pas trop grave, la classe de barde en 2ème édition faisant clairement parti des classes les plus faibles.

Le PHBR8 The Complete Book of Elves par Colin McComb arrive en 1992. Il a la réputation d'être le splatbook le plus déséquilibré avec des options très puissantes. Malgré tout, comme celui sur les nains, la moitié de l'ouvrage est du fluff, et là aussi, cela reste en accord avec ce qu'avec écrit Roger E. Moore dans Dragon magazine. Les différents sous-races d'elfes reviennent également, et on voit leurs variations en fonction de certains univers (comme Dragonlance). Là aussi, ils sont étudiés sous toutes les coutures, y compris les origines de la rivalité elfe-orque et de leurs dieux tutélaires et leur conflit millénaire. Sur la partie technique, on verse davantage dans Tolkien, où les elfes sont très puissants, et c'est peut être la raison qui va faire que ce livre regorge d'avantages plus puissants que d'habitudes.

Le PHBR9 The Complete Book of Gnomes & Halflings par Douglas Niles arrive ensuite l'année suivante, 1993. Ici, deux races du PHB vont être traitées, les mauvaises langues diront que c’est parce qu’elles sont moins populaires que les deux autres. 

La recette est la même que sur les deux PHBR précédents sur les races. Environ presque la moitié est consacré au fluff de chacune de ces races, et là aussi, on retrouve les sous-races de la 1e édition, ainsi qu'une étude de leurs variations dans d'autres univers (comme Dark Sun ou Dragonlance). Le reste est une partie technique, crunchy, regroupant, kits, règles optionnelles, équipement, etc... Encore une fois, c'est la partie background qui m'intéresse dans cet ouvrage.

La série des PHBR est loin d'être finie, elle va continuer avec les PHBR10 The Complete Book of Humanoids par Bill Slavicsek (pour jouer des gobelins, des gnolls et autres humanoïdes, mais sans aucun background contrairement aux trois autres splatbook de races), PHBR11 The Complete Ranger's Handbook de Rick Swan en 1993, suivis de PHBR12 The Complete Paladin's Handbook par Rick Swan, PHBR13 Complete Druid's Handbook par David Pulver en 1994, les PHBR14 The Complete Barbarian's Handbook par Rick Swan et PHBR15 Complete Ninja's Handbook par Aaron Allston en 1995 (ces deux derniers alors que ces classes n’existent pas en tant que telles en 2nd).
Parallèlement, il y a aussi les splatbooks pour le MD (à couverture bleue donc). Je ne vais m'étendre que sur l'un d'entre eux que je possède.

Le DMGR1 Campaign Sourcebook and Catacomb Guide par Paul (devenu Jennell) Jaquays et William W. Connors sort en mars 1990 (DMGR pour Dungeon Master's Guide Rules ou peut être Reference ou même Ressource). Il s'agit principalement d'un guide de conseils en tout genre pour le MD et pas vraiment de règles.

Il est suivi en mai par le DMGR2 The Castle Guide par Grant Boucher, Troy Christensen, Arthur Collins et Nigel Findley. Comme son nom l'indique, il va être question des châteaux, de les construire, mais on a ici une étude plus historique médiévale que fantasy. Il va être question aussi de chevalerie, tournois, système féodal, etc. À noter qu'il va tirer partie aussi de Battlesystem pour ce qui est combat de masse et sièges. On pourrait dire qu'il est la base sur laquelle va reposer une autre série de splatbooks que je survolerai peu après.

Le DMGR3 Arms and Equipment Guide par Grant Boucher, Troy Christensen, Jon Pickens, John Terra et Scott Davis arrive en août 1991. Le titre est suffisamment explicite sur le contenu, je n'irai pas plus dans les détails.

Le quatrième de la série arrive en mai 1992. Il s'agit du DMGR4 Monster Mythology par Carl Sargent, et il aurait peut être pu avoir une couverture cartonné, car c'est un compagnon du nouveau Legends & Lore par Troy Denning et James M. Ward sorti en août 1990. Ce dernier n'a plus que 11 panthéons. Exit donc les panthéons finlandais, babyloniens, sumériens, et en particulier non-humain par rapport à son prédécesseur de 1983.

Le Monster Mythology va s'intéresser donc aux dieux non-humains, en reprenant le format du nouveau Legends & Lore. Les dieux sont donc plus détaillés, il y a une partie sur comment jouer un prêtre de chaque dieu, ainsi que les capacités spécifiques de chaque prêtre spécialiste. Il me semble que le DMGR4 évite la surenchère de certains prêtres du Legends & Lore carrément overpowered ou au contraire vraiment incroyablement faibles, même si on ne peut pas vraiment parler d'équilibre. Les informations de fluff restent très intéressantes, et apportent définitivement plus de relief aux prêtres de ces dieux. On voit aussi réapparaître certains prince-démons de la première édition ici, comme Demogorgon, Juiblex ou encore Yeenoghu. Si Yeenoghu reste dieu des gnolls, pour les deux autres, on s'éloigne un peu de la version originale. On retrouve aussi celui qui aurait du être le gros méchant adversaire des aventuriers dans la campagne des drows de la 1er édition à la place de Lolth (série de module G, D et Q) avec le Elder Elemental God qui est déjà revenu en 2nd édition, un peu changé et modifié pour être inclus dans les Forgotten Realms à travers le FOR2 The Drow of the Underdark par Ed Greenwood sorti l'année précédente. On a aussi évidemment tous les autres dieux nains, elfes, halflings, gnomes et orques développés par Roger E. Moore dans les Dragon mags #58-62 mais aussi des kobolds, gobelins, hobgobelins et gnolls du #63 de juillet 1982 en plus de ceux du Legends & Lore 1er édition. Il manque une déesse elfe de la 1e édition toutefois, et Sargent va la rajouter via un article de Dragon dans le #191 de mars 1993.

La série des DMGR va continuer encore un moment, avec le DMGR5 Creative Campaigning par Tony Pryor, Tony Herring, Jonathan Tweet et Norm Ritchie en janvier 1993 (pour faire des campagnes dans un environnement autre que médiéval), le DMGR6 The Complete Book of Villains par Kirk Botula en mai 1994 (qui contient plus des suggestions et conseils que de règles pour créer des vilains), DMGR7 The Complete Book of Necromancers par Steve Kurtz en mars 1995 (pour faire des nécromanciens magiciens ou prêtres PNJs, donc livre plus crunchy), DMGR8 Sages & Specialists par Matt Forbeck en juillet 1996 (des classes vraiment plus appropriés pour des PNJs que des aventuriers), DMGR9 Of Ships and the Sea par Keith Francis Strohm prévu pour juin 1997 n'arrive qu'en octobre de la même année par contre (année du rachat de TSR par WotC, avec tout ce qu'il faut pour faire et gérer des aventures maritimes et aquatiques, quelque chose qui n'était plus courant depuis longtemps, mais que la série des Monstrous Arcana sur les sahuagins a remis à l'honneur (voir le portrait de famille correspondant).

Mais TSR n'en a pas fini des splatbooks qui sont moins coûteux à produire que des hardbacks, et peut être suite au DMGR2, ils lancent une troisième série de splatbooks (à couverture verte), les HR (pour Historical Reference) dont le but est de faire du AD&D dans un autre genre d'univers que purement médiéval.

Le premier est le HR1 Vikings Campaign Sourcebook par by David "Zeb" Cook en mai 1992 (c'est celui qui va le plus loin dans le concept, en interdisant les magiciens, prêtres, druides et paladins, et en introduisant deux nouvelles classes, berserkers et runecasters, ces derniers vont bénéficier d'un nouveau système de magie). Il est suivi en juillet 1992 par le HR2 Charlemagne's Paladins Campaign Sourcebook par Ken Rolston, puis en novembre 1992 HR3 Celts Campaign Sourcebook par Graeme Davis, HR4 A Mighty Fortress Campaign Sourcebook par Steve Winter en décembre 1992 (époque élisabéthaine, Europe centrale 16ème-17ème siècle), le HR5 The Glory of Rome Campaign Sourcebook par David L. Pulver en novembre 1993, le HR6 Age of Heroes Campaign Sourcebook par Nicky Rea en avril 1994 (Grèce Antique, à noter que le code n’apparaît plus sur les livres à partir de 1994) et enfin le HR7 The Crusades Campaign Sourcebook par Steve Kurtz en novembre de la même année.

Donc, cela a été la foire aux splatbooks (très faciles à produire), et très peu de sorties en hardback (le plus coûteux restant les boites). Il y a en quand même eu quelques uns, avant que les choses changent un petit peu à partir 1995.

J'ai mentionné plus haut le Legends & Lore en 1990 mais juin 1991 voit arriver un autre hardcover. Il s'agit du Tome of Magic par David "Zeb" Cook avec Nigel Findley, Anthony Herring, Christopher Kubasik, Carl Sargent et Rick Swan. Ils se sont rapidement aperçus qu'en ayant permis des spécialistes de magie de toutes les écoles, et des prêtres spécialistes de dieux avec des portfolios bien différents, qu'il manquait de sorts pour certains personnages. Il était d'ailleurs très drôle à l'époque, avant la sortie du Tome of Magic de voir des prêtres recevoir en accès mineur (dont uniquement les sorts de niveau 1 à 3) la sphère Summoning qui ne contenait que des sorts de niveau 4 et plus...

Ils vont donc combler les trous avec ce supplément, mais aussi introduire des nouvelles classes ou spécialités. On a notamment le wild mage, récupéré des Forgotten Realms où il était apparu en 1990 via le Forgotten Realms Adventures. On va aussi avoir des spécialistes élémentaires pour les mages (air, eau, feu, terre) qui est un trope assez courant en fantasy. On voit aussi l'apparition des metamagic spells, des sorts qui affectent d'autres sorts. Il en existait déjà un dans l'Unearthed Arcana de la 1e édition, le sort de Vocalize qui permettait de s'affranchir des composantes verbales pendant sa durée. Cela va donc être ici développé, et c'est quelque chose qu'on retrouvera en 3ème édition mais sous forme de dons.

Les prêtres ne sont pas en reste, avec l'apparition de sorts très puissants accessible dans certaines situations, les sorts de quête (dont certains deviendront des sorts de niveau 8/9 quand la troisième édition donnera ces niveaux de sorts au clerc), ainsi que la magie « communale » (rendant l'assaut des temples bien plus dangereuse). Ceci est par contre plus ciblé comme utilisation, et cela sera moins populaire que les ajouts du magicien.

Il y a aussi des nouvelles sphères d'influence pour diversifier encore plus les prêtres spécialistes. Nombre de ces sphères deviendront des domaines de sorts en troisième édition.

Il faut ensuite attendre ensuite octobre 1993, soit plus de deux ans pour voir un autre hardcover "générique" apparaître. Il s'agit du Book of Artifacts par David "Zeb" Cook. Les artefacts étant quasiment absents du nouveau DMG, ce livre va remédier au problème. Il est amusant de savoir qu'il y a un autre Book of Artifacts sorti en 1982 sous la houlette de Dragon Tree Press, un supplément fantasy totalement générique qui était clairement pensé pour être utilisé avec D&D. Il comportait même les stats pour les anneaux des Terres du Milieu, y compris celles de l'Anneau Unique. Bon, il sera question avec ce nouveau livre des artefacts qu'on trouvait dans le DMG de la 1e et dans le Supplement III: Eldritch Wizardry pour D&D (qui remonte à 1976). Les artefacts sont présentés avec en gros une demi-page de background, description et histoire et une autre avec leurs capacités les plus connues, même si à l'instar de la 1e édition, il est possible de les déterminer au hasard pour surprendre les joueurs qui iraient feuilleter les livres destinés au MD. Un certain nombre d'Artefacts sont directement liés au background de l'univers de Greyhawk, et on en a aussi des tous nouveaux (on passe de 27 à 50 artefacts), donc un certain nombre sont apparus dans les univers plus récents de AD&D. Il y a malgré tout un absent notable, il s'agit du Sceptre d'Orcus, probablement parce que les démons étaient toujours mal vus dans AD&D. Il arrivera finalement dans le Encyclopedia Magica IV en 1995. À noter que trois de ces artefacts deviendront l'élément principal de scénarios qui paraîtront pendant la deuxième moitié des années 90.

Finalement, TSR va décider de remettre les hardcovers à l'honneur à partir de 1995. Cela va commencer par des rééditions des PHB et DMG en mai (le Monstrous Manual et le Tome of Magic suivront plus tard) avec une couverture noire et un changement de mise en page. Ces versions sont appelés à tord par certains 2.5. Et cela malgré la préface de Steve Winter qui commence par dire qu'il ne s'agit pas de la 3ème édition de AD&D, et que les quelques différences qu'on peut trouver ne sont que des clarifications ou corrections mineures comme c'est le cas à chaque réimpression des livres (il précise même que les PHB et DMG sont à plus de 10 réimpressions depuis 1989). Le concept de demi-édition n'arrivera qu'avec l'officielle 3.5 mais certains individus retors l'appliquent incorrectement à ces ressorties de la 2ème édition, malgré le fait que les règles soient les mêmes et que ce n'est absolument pas comparables à ce qui sera fait plus tard sur la 3.5. On a ici une maquette un peu plus moderne, plus colorée, plus aérée et entièrement ré-illustrée (pour le meilleur mais aussi pour le pire). À noter que les trois livres de base (PHB, DMG, Monstrous) seront réimprimés avec une couverture légèrement différente avec tout un tas d'autres bouquins de la vieille époque vers la fin de 4ème édition en 2012 (peut être pour essayer de compenser le fait que la 4ème ne rapportait plus grand-chose à ce moment là). Ceci étant clarifié, je vais pouvoir passer à la suite.

TSR décide de sortir de nouveaux livres de règles accessoires/supplémentaires donc cette fois-ci sous forme de hardcovers.

Le Player's Option: Combat & Tactics est le premier de cette série et sort en juillet 1995. 

N'en déplaise à certains, l'utilisation des figurines dans AD&D/D&D remonte au tout début du jeu (qui n'a pas des origines de wargames pour rien), et des figurines officielles ont été faites depuis au moins le début des années 80. Par contre, il n'y avait pas vraiment de règles précises pour les utiliser. Ce livre va proposer les premières règles pour figurines, quelque chose qu'on retrouvera de facto ensuite en 3ème et 4ème édition (et en règle optionnelle en 5ème). On trouve aussi de nouvelles règles de spécialisation (là où la 2ème édition avait tout d'abord réduit celles apparaissant dans le Unearthed Arcana). Le combat à mains nues est lui aussi encore revu, comme cela avait été le cas là aussi dans l'Arcana (un souci majeur toujours les règles de combat à mains nues dans chaque édition).

Par contre, ce qui n'était pas apparu vraiment de façon officielle, c'est des règles pour des coups critiques (quelque chose sur laquelle Gygax était absolument contre), mais qu'on avait vu dans les productions d'éditeurs tiers comme The Arduin Grimoire en 1977, Arms Law en 1980 et Sword's Path Glory Book 1 en 1982.

Le Dungeon Master's Screen qui lui aussi va être remis au goût de la nouvelle charte graphique, avec la sortie du Dungeon Master's Screen and Master Index va contenir notamment toutes ces tables de coups critiques et vont rappeler celles de Rolemaster (ou au minimum y faire penser). Cette version consistera de 2 écrans à 3 volets (et d’un livret), avec un seul d'illustration pour pouvoir tout contenir.
Le livre se termine sur un chapitre de combat de masse, mais ici exit Battlesystem qui n'aura jamais trouvé son public. Il faut dire qu'il avait surtout été inventé pour faire concurrence (sans jamais y arriver) à Warhammer Fantasy Battle.

Le livre suivant d'options arrive rapidement en août 1995, il s'agit du Player's Option: Skills & Powers par Douglas Niles et Dale A. Donovan.

Alors là, on a le livre qui s'attaque le plus aux fondamentaux de D&D/AD&D. Si on avait déjà vu des systèmes d'achat des caractéristiques par points, ici l'idée est de pouvoir tout acheter en dépensant un quota de points. Il y a aussi des avantages et des désavantages qui permettent d'ajouter de la profondeur aux personnages. C'est le livre qui aurait changé totalement le jeu, mais ce n'est pas du tout la voie qu'ils prendront quand ils feront la 3ème édition.

Ce livre pose plusieurs soucis malgré tout. D'abord, il n'est pas vraiment prévu de tout utiliser, car le tout n'est pas totalement cohérent, et c'est précisément ce que vont faire les joueurs évidemment. De plus, il change tellement de choses, qu'il est totalement incompatible avec un quelconque autre supplément, accessoire ou module, il n'est d'ailleurs même pas compatible avec le Player's Option qui suivra. Pour palier à cela, il y a aura un certain nombre d'articles dans Dragon magazine, comme par exemple "Planar Heroes" dans le Dragon #235 de novembre 1996 pour l'utiliser avec Planescape, "Heroes of Faith" dans le  Dragon #236 de décembre 1996 pour les prêtres spécialistes, ou encore "Heroes of Cerilia" dans le Dragon #247 de mai 1998 pour les personnages de Birthright.

On comprend mieux les raisons de ne pas trop changer de trucs au début de la 2ème édition pour garder une meilleure compatibilité.

Une autre chose intéressante, est qu'il propose une nouvelle façon de gérer les règles sur le psi qui étaient considérées comme trop complexes. Le nouveau système est beaucoup plus simple et cohérent, mais il n'est pas compatible avec le reste même de l'ouvrage et ses options. Ces nouvelles règles de psi seront encore un peu mieux clarifiées dans le Dragon Annual #2 de 1997.

On a un livre pour les MD, le Dungeon Master Option: High-Level Campaigns par Skip Williams qui arrive aussi en août 1995. Aussi étrange que cela puisse paraître aujourd'hui, D&D à l'origine n'était pas conçu pour le haut niveau, sans parler des limitations de niveau des demi-humains. Dans la revue The Strategic Review #2 d'avril 1976, Gygax déclarait "il n'y a pas de monstre pour défier les capacités d'un seigneur 30ème niveau ou d'un patriarche 40ème, et ainsi de suite". Il ajoutait, qu'après avoir calculé les gains moyens d'Xp sur l’ensemble des 50-75 sessions par an de jeu, que "Blackmoor était la seule campagne d'une durée de cinq ans, et Greyhawk avec une durée de quatre ans est la deuxième plus longue, et que le plus capable des aventuriers ne devrait pas avoir atteint le niveau 20, exceptés dans ces deux campagnes. À ma connaissance, aucun joueur de Blackmoor ou Greyhawk n'est monté au-delà du 14ème niveau".

Mais les règles ne posaient aucune limite sur les niveaux, et c'est quelque chose qui va être exploités notamment dans la série de module H, et en particulier le H4 Throne of Bloodstone qui va proposer de faire jouer des personnages de niveau 18 à 100 ! (voir le portrait de famille sur la série de modules H).
Ce n'est qu'avec les boites Companion, Master et Immortals que Frank Mentzer va pour la première fois proposer réellement des règles pour jouer des personnages de haut niveau (au-delà du 14ème qui était la limite des boites B/X). À noter que la plupart des scénarios de haut niveau de la 1e édition était pour du 10-14 (oui, pour affronter Lolth dans le module Q1, on était maximum niveau 14). Seules exceptions: le WG6 Isle of Ape prévu pour des niveaux 18 et évidemment la série des H, pour du 17 et bien plus. La deuxième édition va fixer une limite au niveau 20, ce qui va rester dans la 3ème et la 5ème édition.
Le High Level Campaigns va donc proposer une progression en niveau jusqu'au niveau 30, avant d'envisager une ascension divine, un peu à l'instar des immortels de la boite Immortals Rules en BECMI. Il était quand même déjà question d'ascension divine dès le Deities and Demigods en 1er édition.

Le livre va être rempli de conseils pour pouvoir gérer une campagne de haut niveau, avec une revue des sorts les plus puissants et des règles pour faire des monstres plus puissants capables de défier les pouvoirs de ces personnages.

On trouve aussi des règles pour des duels de magie, la création d'objets magiques, et les true dweomers (en gros des sorts de dixième niveau).

Enfin, un troisième livre d'options pour les joueurs, le Player's Option: Spells & Magic par Richard Baker arrive en juin 1996. Le livre propose d'abord une synthèse de tout ce qui a pu être proposé (ou presque) dans des suppléments passés, parfois en retouchant une règle. Il apporte des règles sur les laboratoires de magie avec notamment des règles de création de sorts et d'objets magiques. Il propose également un système de points de magie, quelque chose qui avait déjà été fait par des éditeurs tiers lors de la 1er édition et sur laquelle Gygax était absolument contre. On en avait vu aussi dans Dragon magazine #29 de septembre 1979 (car la direction du magazine Dragon n'était pas la même, Tim Kask étant aux commandes à l'époque).

On trouve bien évidemment des nouveaux sorts de magicien et de prêtre et le tout est parfaitement compatible avec et utilise le Tome of Magic et ses nouvelles sphères d'influence (Tome of Magic qui va d'ailleurs lui aussi être réimprimé avec la nouvelle charte graphique). On a aussi des nouvelles compétences diverses et quelques règles optionnelles, dont certaines resteront dans le cœur de la 3ème édition, avec notamment les sorts qui ignorent l'armure (ce qui donnera la règle de Touch AC dans la 3ème). Certains nouveaux sorts seront aussi dans le PHB de la 3ème. 

1996 va aussi être le début d'une nouvelle série d'accessoires en couverture souple plus orientés fluff que les Player's et DM's options.

Le premier est Den of Thieves par Wes Nicholson (pas trouvé de date exacte de sortie). Si les châteaux, traditionnellement associés aux guerriers, avaient déjà été étudiés, notamment via le DMGR2 The Castle Guide, ce n'était pas le cas de lieux associés aux autres classes. Et comme son nom l'indique, ce nouveau supplément va être consacré aux guildes de voleurs. Tous les voleurs de 10ème niveau et plus pouvaient dès la première édition en construire une, mais c'est quelque chose qui n'avait jamais été explorée. Avec 96 pages et une grande carte, ce supplément va passer en détails sur les différentes activités possibles du crime organisé, et propose également une guilde complète à utiliser, avec des PNJs évidemment. Il contient aussi quelques (très courtes) aventures et quelques nouveaux objets magiques thématiques.

Là aussi, avec la banqueroute de TSR en 1997, il faudra attendre 1998 pour le livre du même type suivant, à savoir le College of Wizardry par Bruce R. Cordell qui arrive en janvier (on trouve un reste de copyright 1997 sur la première page d'ailleurs). Il est évidemment ici question des guildes de magie. Elles avaient déjà été étudiés un petit peu via des suppléments d'univers au départ (le Dragonlance Adventures de 1987, le FR6 Dreams of the Red Wizards de 1988, ou encore la boite City of Greyhawk en 1989). Mais c'est surtout dans le Dragon #123 de juillet 1987 avec "The Mystic College" que les choses deviennent sérieuses, ainsi que dans le supplément de D&D Basic GAZ3 The Principalities of Glantri de la même année (qui décrit une magiocratie avec foule de détails). College of Wizardry va reprendre le format de Den of Thieves (96p avec une grande carte), et va présenter en détails une guilde avec son histoire, son organisation et ses PNJs, ainsi que la manière pour en devenir membre, les avantages qu'on peut y gagner, deux nouvelles sources de magie, et quelques nouveaux sorts et objets magiques. On trouve également encore des (très courtes) aventures.

Le supplément est générique et présente différentes façons de l'intégrer dans tous les univers de AD&D (ou presque), mais s'inscrit en particulier dans l'univers de Neverness que Cordell développe depuis quelques scénarios et suppléments. On retrouve d'ailleurs un PNJ de Den of Thieves, ainsi que d'autres qui vont revenir dans un scénario (dont je parlerais quand je ferai le portrait de famille sur les modules). Il y a aussi un PNJ qui apparaît dans la campagne Return to the Tomb of Horrors, et il est même fait mention de la Bleak Academy qui est une partie importe de cette campagne de Greyhawk (que Cordell semble "importer" dans son Neverness). Cordell va continuer d'utiliser l'Arcane Order de cette guilde par la suite en 3ème édition (en commençant par le Tome and Blood en 2001). 

Finalement, le dernier supplément de cette série arrive en décembre 1999. Il s'agit du Bastion of Faith encore par Bruce R. Cordell. Il va être évidemment question ici de temples pour les prêtres. Les temples ont par contre toujours été très présents dans le jeu, étant mentionnés déjà dans OD&D, dans la 1er édition où les clercs pouvaient construire leur temple et attirer des suivants, un temple célèbre est présenté dans le T1 Village of Hommlet dédié à Saint Cuthbert, et on en trouvera encore plein par la suite. Les inspirations directes sont le PHBR3 The Complete Priest's Handbook, le DMGR7 The Complete Book of Necromancers, ainsi que l'aventure de Greyhawk "Kingdom of the Ghouls" dans Dungeon #70 de septembre/octobre 1998 ou encore l'article "Seeds of Evil" dans le Dragon #249 de juillet 1998. Il y a une autre inspiration plus surprenante, sur laquelle je vais revenir.

Le livre va donc présenter en détails sur 96 pages (mais sans map supplémentaire à part) un temple d'Heironeous, un dieu de Greyhawk, mais, à l'instar du College of Wizardry, il y a des propositions pour le placer dans la majorité des univers de AD&D. Et un de ces univers n'est pas officiel, car il s'agit de Neverness de Cordell et plus précisément la ville de Stormport qui est le lieu où se déroule certaines des aventures des Monstrous Arcana sur les sahuagins et illithids. Il va jusqu'à préciser que les guildes présentées dans Den of Thieves et College of Wizardry sont elles aussi situées dans Stormport. Il est aussi fait mention d'une prestigieuse académie martiale, indice qu'un quatrième supplément décrivant un lieu associé aux guerriers aurait pu être produit (mais cela ne sera donc jamais le cas).

Si les dieux dont il est question dans ce Bastion of Faith sont de Greyhawk, il y a aussi des PNJs tirés du WGR4 The Marklands (et un autre qui vient carrément du Rogues Gallery de 1980 et qui était le personnage de Helen Cook) et il est également fait mention des migrations oeridiennes, tout ceci ancre donc encore plus ce temple dans cet univers (en s'éloignant d'ailleurs de l'histoire de College of Wizardry), mais le temple n'y est pas pour autant spécifiquement localisé. Cette plus forte connexion avec Greyhawk est peut être du à son revival amorcé en 1998 (voir le portrait de famille correspondant), univers dont Peter Adkinson est fan, et à la présence parmi les assistants éditoriaux de Erik Mona, un "nouveau" qui est lui aussi très attaché à cet univers. À noter qu'on retrouvera d'ailleurs les principaux dieux de Greyhawk dans le PHB de la troisième édition l'année suivante, une manière de préparer le terrain peut être.

Comme les suppléments précédents, le temple est décrit avec son histoire, son organisation, ses PNJs, ainsi que comment en devenir membre, les devoirs des fidèles... Une nouvelle forme d'économie est proposée également, les faveurs et leurs retours. On propose aussi à des non prêtres de faire partie du temple, en pouvant servir d'une façon ou d'une autre. On trouve enfin quelques nouveaux sorts et objets magiques thématiques, et des accroches d'aventures plutôt que des mini-aventures ici (probablement qu'il a fallu faire de la place pour les plans qui apparaissent dans le livre et pas sur une carte à part), et un appendice sur Hextor (le frère Némésis de Heironeous). Enfin, il y a une histoire secrète dans ce temple, et c'est la, l'inspiration plus surprenante dont je parlais. Cordell s'est donc inspiré du film Prince of Darkness de John Carpenter.

Enfin, je tiens à mentionner le Guide to Hell par Chris Pramas qui est sorti en novembre 1999. La première chose surprenante est le "Hell" du titre. Le terme avait été abandonné depuis plusieurs années pour Baator, pour s'éviter les foudres des mamans anti-D&D. Le terme diable est lui aussi de nouveau utilisé dans le livre, même si aucun des deux ne remplacent vraiment Baatezu et Baator qui sont utilisés de façon interchangeables. 

À cette époque, WotC a terminé la plupart des gammes d'univers qui avaient proliféré. Les joueurs et fans des différents univers ne sont pas forcément chauds pour aller acheter n'importe quel livre d'un autre univers, d'où l'intérêt de sortir des livres (accessoires ou modules) génériques qui seront une extension des univers en question pour les fans, mais pourront aussi attirer davantage d'autres clients autrement réfractaires.

Les Neufs Enfers ont été assez bien décris depuis longtemps, la base ayant été notamment posé par les articles "The Nine Hells" de Ed Greenwood dans Dragon #75 et 76 de juillet et août 1983. Par la suite, on a un focus via Planescape et notamment Planes of Law et Hellbound: The Blood War (sur lesquels je reviendrai probablement un jour).

Ce Guide to Hell va faire un excellent travail pour compiler des informations éparses sur les Neufs Enfers et les diables, et notamment décrire en détails les archi-diables actuels (et passés) qui dirigent chacun des niveaux des enfers (certains n’étant même pas mentionnés dans Planescape), ainsi que tous les types de diables connus (avec un nouveau), donner des conseils pour intégrer les luttes infernales dans une campagne, présenter l'histoire des enfers et de son maître absolu (dont l'histoire va plus loin que ça, jusqu'à la création de l'univers, une chose qui ne sera pas forcément compatible avec d'autres suppléments qui parlent de cela), des sorts et objets magiques thématiques. Il est aussi question d'un organisation de Greyhawk luttant contre les diables, mais elle n'est pas considérée comme canon par la Team Greyhawk de l'époque (déjà que tous les livres estampillés Greyhawk ne le sont pas forcément...), et aussi quatre nouveaux kits de PJs, quelque chose qu'on n'avait plus vu probablement depuis la fin des PHBR quatre ans auparavant.

Le guide introduit aussi le Reckoning of Hell, une sorte de guerre civile infernale qui explique en partie les différences des Enfers entre la 1er et la 2ème édition de AD&D.

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques…