samedi 23 août 2025

Portrait de famille - Les modules de la série "B" pour Basic D&D

Une chronique de Jean-Luc Barbera

 Portrait de famille aujourd'hui: la série de modules B (pour Basic), donc des scénarios de bas niveau (1 à 3 pour la plupart).

 


 

Le B1 In Search of the Unknown arrive fin 1978 (même s'il est marqué un copyright 1979), en novembre pour être précis. J'en ai déjà parlé à propos des boites Basic, il arrive livré avec un reprint de la "Holmes". On le trouvera bien évidemment vendu à part également, comme tous les modules livrés avec une boite. La version avec la couverture couleur débarque en 1981. Écrit par Mike Carr, la version monochrome contient des suggestions de placement pour Greyhawk, avant de disparaître dans la version couleur. Il sera plus tard relocalisé dans le Duché de Karameikos.

À noter que c'est un scénario d'introduction, qui demande au maître du jeu de préparer le donjon, en sélectionnant des montres, et générer les trésors, le tout dans un but d'apprentissage. Il y a chaque fois deux petites lignes libres à cet effet dans chaque salle. Il est marqué comme utilisable aussi avec AD&D sorti la même année.

Le B2 Keep on the Borderlands a lui aussi un petit souci de copyright (1980) alors qu'il arrive fin 1979 en remplacement du B1 dans un nouveau reprint de la "Holmes".


Écrit par Gary Gygax, il est totalement générique, et sera relocalisé par la suite dans le Known World (Karameikos également). On le trouvera aussi dans la "Moldvay" et vendu séparément. C'est un très gros classique, beaucoup ayant découvert D&D avec ce module. Pour rappel il a eu une suite (relocalisé étrangement dans Greyhawk), "Return to the Keep on the Borderlands", on le trouve aussi en version Silver Anniversary dans le Collector's Set de 1999, et il a servi pour le playtest de D&D5.

Il faut attendre 1981 pour le module suivant, le B3 Palace of the Silver Princess par Jean Wells. Sorti initialement avec une couverture orange, le module a été immédiatement rappelé et presque toutes les copies détruites. On estime à moins d'une centaine le nombre de copies encore en circulation, ce qui lui fait atteindre des prix stratosphériques sur le marché de l'occasion. À cause de cela, il y a eu de nombreuses théories imaginées sur les raisons de ce rappel. Je ne rentrerai pas dans les détails, c'est assez documenté sur le net, mais en gros, la sortie a été faite alors que tout n'était pas vraiment prêt, et il y a des illustrations assez bizarres, certaines ressemblant à de la caricature de certaines personnes de TSR. À noter que cette version est faite comme le module B1, avec des lignes libres pour que le MD puisse déterminer les monstres et les trésors. À noter qu'il y a une suggestion de placement pour le module dans Glantri pour le Known World qui va disparaître dans le reprint.

Rapidement, la nouvelle version à couverture verte sort, et mentionne Tom Moldvay en co-auteur. Les illustrations qui posaient problèmes (et qui sont bien moches, il faut le reconnaître) ont été remplacées et toutes les rencontres sont entièrement scriptées. Il sera localisé par la suite dans Karameikos.

1982 voit la sortie du B4 The Lost City par Tom Moldvay. À l'image de AD&D, on commence à voir ici aussi un scénario qui se déroule dans un désert style Égypte. Générique lui aussi au départ, il sera relocalisé plus tard (dès la boite Expert de Mentzer en fait) dans Ylaruam (Known World). À noter qu'un trouve aussi une version avec une couverture un peu différente, avec le nouveau logo D&D qu'on retrouve sur les modules suivants.

1983 voit le B5 Horror on the Hill par Douglas Niles. La boite Basic ne propose pas de règles pour les extérieurs, mais il y en a malgré tout un peu ici dans ce module étonnamment. Générique, et relocalisé lui aussi par la suite dans Karameikos.

Le B6 The Veiled Society par David Cook arrive en 1984. Premier module de la série B à être spécifiquement fait pour le Known World (il se déroule spécifiquement à Specularum dans le Grand Duché de Karameikos), il est aussi original car c'est une scénario urbain, avec une enquête de meurtre. Il y a quelques bâtiments en cartons à découper et à plier. Une première avant ce qui a été fait par la suite au début de la 2nd édition.

1984 toujours voilà le B7 Rahasia par Tracy et Laura Hickman. J'en ai déjà vaguement parlé. Scénario écrit et paru au départ chez Daystar West Media en 1979, société du couple Hickman, premier de leur série de modules "Night Ventures" qui n'a donc connu que celui là et ensuite Pharaoh (qui deviendra le I3), il a déjà été refait et vendu par la RPGA en 1983 en deux modules RPGA1 Rahasia et RPGA2 Black Opal Eye. Le B7 est une version révisée. Il sera relocalisé lui aussi dans le Known World dans une forêt près de la République de Darokin.

Le B8 Journey to the Rock par Michael Malone arrive la même année. Ce module aussi se démarque en étant majoritairement en extérieurs contrairement aux autres de la série.
Il sera lui aussi relocalisé dans Karameikos.

Le B9 Castle Caldwell and Beyond par Harry W. Nuckols arrive en 1985. Il contient 5 petites aventures. Et la couverture est de Clyde Caldwell. Relocalisé lui aussi dans Karameikos.
Tous ces modules ont été compilés en 1987, période des supermodules, dans le B1-9  In Search of Adventure. J'en ai déjà parlé, la plupart ont été édités et ne sont pas complets. Une vague histoire est créé pour essayer de les relier et les enchaîner. C'est là aussi que ceux qui n'avaient pas été déjà relocalisés par la boite Expert de Mentzer le deviennent.

Le B10 Night's Dark Terror par l'équipe UK (Jim Bambra, Graeme Morris, Phil Gallagher) est estampillé "A Special Basic/Expert Transition Module for Levels 2-4" et arrive en 1986. Il permet de faire la jonction entre le Basic et l'Expert. C'est un très gros module (64 pages contre les 32 habituelles), avec une grande double carte, et des tokens. L'action se déroule dans Karameikos, et les aventuriers vont explorer une très grande zone, avec des poursuites, le siège d'une ferme, des grosses batailles (on peut utiliser le Battlestystem avec les tokens) et des révélations avec du nouveau background qui enrichit le Known World. Il y a vraiment beaucoup à faire, et de quoi jouer un moment. On comprend aisément que c'est peut être le module de la série B le plus cher en général (excepté le B3 en couverture orange à cause du nombre très faible de copies).

Il faut attendre 1989 pour les deux derniers modules de la série, les B11 King's Festival et B12 Queen's Harvest par le très bon (et regretté) Carl Sargent. Les deux modules s’enchaînent et se déroulent dans Karameikos (encore). Ils sont particulièrement étudiés pour des nouveaux joueurs et un MD débutant.

Enfin, sorti en 1984, le BSOLO Ghost of Lion Castle par Merle M. Rasmussen est comme le code l'indique un module solo, avec des règles pour gérer les combats seul, et qui se fait à la manière d'un LDVELH, avec des paragraphes numérotés. Il est situé en Ethengar (toujours dans le Known World mais ça change de Karameikos). Et cela sera tout pour la série de modules B.

Étonnamment, les modules Solo sont assez cotés, je ne sais pas trop pour quelle raison. 

 

In Memoriam

Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

 

vendredi 22 août 2025

Portrait de famille - Advanced Dungeons & Dragons

Une Chronique de Jean-Luc Barbera 

Aujourd'hui, la photo de famille couvre les livres pour la 1e édition de AD&D (avec un petit semi-intrus) et des anecdotes.

 


Un peu d'histoire antérieure tout d'abord. Dungeons & Dragons est sorti de façon limitée en janvier 1974 (pas de date réelle connue) avant de se répandre comme une traînée de poudre ensuite, et il est co-écrit par Gary Gygax et Dave Arneson, avec une boite contenant 3 livrets (Men & Magic, Monsters & Treasure et The Underworld & Wilderness Adventures). En 1975 et 1976 vont sortir 5 suppléments (une première pour un jeu à l'époque, les suppléments, ça n'existait pas ou presque): le supplément 1 Greyhawk (par Gygax et Robert Kuntz), le 2 Blackmoor (par Arneson), le 3 Eldritch Wizardry, le 4 Gods, Demi-Gods & Heroes (Kuntz et James Ward), et enfin le Sword & Spells (Gygax).

Le succès est grandissant, et finalement Gygax décide de faire une version "Advanced" avec notamment plus de règles et de détails. Certains diront que c'était pour pas payer de royalties à Arneson que Gygax a écrit à nouveau des bouquins. Il va piocher dans un peu tous les suppléments du jeu original pour cela.
Chose que beaucoup ne savent pas, c'est qu'en fait, le premier livre de Advanced Dungeons & Dragons qui est sorti, est le Monster Manual en 1977. Une première aussi dans le monde du jdr, un livre cartonné, avec plein d'illustrations (de meilleure qualité, sisi, que ce qu'on trouvait dans le jeu original, communément appelé depuis OD&D). Le Player's Handbook arrive en 1978, et le Dungeon Master's Guide accuse du retard à cause de sa taille et sort en 1979 (là aussi, c'est juste le plus gros bouquin de jdr paru à l'époque avec ses quelques 240 pages). Il a fallu un an et demi pour sortir ce qu'on qualifie aujourd'hui de triptyque de base.

Le Deities & Demigods sort en 1980 (non présent sur la photo, c'est le seul qui me manque), écrit là aussi par les deux mêmes que son équivalent en OD&D. Ce livre va avoir de nombreux soucis. D'abord sa première version contient les panthéons de Melniboné et de Cthulhu, et il va y avoir quelques soucis avec Chaosium. Il va ressortir en étant amputé de ces deux panthéons, au grand désespoir de Gygax qui pensait avoir un accord plus qu'honorable avec Chaosium, mais les autres dirigeants de TSR n'ont pas voulu s'embêter à faire de la pub pour des concurrents (d'après ce que j'avais pu lire). Ensuite, ce livre va s'attirer les foudres des ligues chrétiennes aux US, car il présente des cultes "païens" ! J'éviterai de digresser longuement sur l'association anti-D&D qui s'était créée à l'époque, et toutes les histoires de satanisme et autres qui entouraient le jeu (mais qui n'a jamais impacté les ventes, heureusement pour TSR).

1981 voit un deuxième livre de monstres arriver (avec 2 ans de retard à cause de certains soucis avec Games Workshop), c'est le Fiend Folio, fait par la branche UK de TSR. Il regroupe plein de monstres imaginés par des tas d'auteurs différents (tous crédités dans l'index). Il contient majoritairement des monstres apparus d'abord dans le magazine White Dwarf. On y retrouve pour la première fois en dehors d'un module d'autres monstres comme le célèbre Elfe Noir par exemple. Le Fiend Folio ne sera jamais réédité par la suite, et donc plus moyen d'avoir des elfes noirs en 1e, autrement que par la possession des modules où ils apparaissent.

1983 voit le Monster Manual 2 par Gygax débarquer. Il contient des nouveaux monstres, mais aussi beaucoup d'autres apparus d'abord dans les modules publiés depuis 1978. Il arrive avec une maquette différente, et notamment, une couverture illustrée par un nouveau chez TSR, un certain Jeff Easley qui va faire quasiment toutes les couvertures des livres cartonnés pendant longtemps. C'est l'occasion pour TSR de ressortir les Monster Manual, Player's Handbook et Dungeon Master's Guide avec une nouvelle couverture de Easley, et une mise en page modernisée. Le Deities & Demigods change de nom au passage pour devenir le Legends & Lore (histoire de calmer un peu les ligues chrétiennes, mais cela ne suffira pas).

A cette époque, Gygax est sur l'autre côte, à surveiller la production du dessin animé de Dungeons & Dragons, et c'est un peu n'importe quoi pendant son absence. Là aussi, c'est très documenté, et je ne rentrerai pas dans les détails, mais TSR va avoir de gros soucis financiers (faut dire qu'ils ont fait n'importe quoi, des conflits d'intérêts et autres, la boite se retrouvant par exemple propriétaire de trucs aberrants pour un éditeur de jdr comme un kit de couture !!!!!). Gygax revient mettre de l'ordre, et en 1985 arrive deux autres livres hardcovers écrits par lui, les Unearthed Arcana (des extensions de règles et d'options, nouvelles classes, sorts, objets magiques, certaines étant déjà apparues dans le magazine Dragon, comme la première classe de "prestige" du jeu) et Oriental Adventures (co-écrit avec un certain François Marcela-Froideval) qui amène l'extrême orient dans AD&D avec ses samourais et ninjas. L'Oriental Adventures présente un nouvel univers pour AD&D, et est un des rares livres de règles contenant du background. Cet univers s'appelle Kara-Tur et il a été imaginé par David Cook. Il sera relocalisé dans les Forgotten Realms quelques années après la parution de cet univers. À noter que le Oriental Adventures introduit les compétences diverses ou non martiales (nonweapon proficiencies), une première pour donj.

Les deux livres vont cartonner au niveau des ventes, et grâce à eux et à l'énorme succès de la série Dragonlance dont je parlais récemment, cela va remettre TSR à flot (voire les sauver de la faillite).
1986, alors que Gygax n'est plus là, voit arriver deux autres livres suppléments de règles, le Dungeoneer's Survival Guide (par Douglas Niles) et le Wilderness Survival Guide (par Kim Mohan) qui donnent plein de règles pour respectivement l'Outreterre (Underdark) et les extérieurs. Ils contiennent pas mal de choses intéressantes, mais un livre spécifique complet sur ces aspects là ont amené à avoir beaucoup trop de choses et de détails pour une majorité de joueurs. D'ailleurs, les aspects les plus intéressants de ces deux livres (la généralisation des nonweapon proficiencies, et des règles spécifiques à ces environnements seront directement incluses dans le Player's Handbook et le Dungeon Master's Guide en 2nd édition, tout comme le Unearthed Arcana au passage).

Enfin, en 1987 voit arriver le dernier bouquin de règles de AD&D, le Manual of the Planes (par Jeff Grubb) qui va présenter de façon détaillée et bien avant Planescape, les différents "plans" qui font de AD&D un multivers. Tous ces plans existaient déjà depuis le début de AD&D (ils étaient présentés dans le PHB et le DMG, et étaient davantage abordés dans le Deities & Demigods).

En bonus, un autre hardcover un peu à part, toujours en 1987, c'est le semi-intrus dont je parlais. Ce n'est pas un livre de règles de AD&D à proprement parler comme les autres, mais avec le succès de la série de modules Dragonlance, les joueurs en veulent plus sur l'univers de Krynn. Le Dragonlance Adventures va compiler un certain nombre d'informations propres à l'univers qui étaient disséminés dans les modules, rajouter quelques bricoles pour servir de sourcebook pour jouer dans cet univers. On commence à y voir une première ébauche de ce que donnera plus tard les prêtres spécialistes de la 2nd édition, plus évolués que ce qui avait été fait pour certains dieux dans la boite de Greyhawk de 1983.

 

In Memoriam
 
Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques… 

jeudi 21 août 2025

Portrait de Famille - Donjons & Dragons, édition Basic Expert

Une chronique de Jean-Luc Barbera

Aujourd'hui, dans le portrait de famille, je vais parler du fork de Dungeons & Dragons, et donc des boites de règles D&D, post OD&D. Attention c'est très long !



Se mettre à D&D en 1974-1976 était très compliqué. Se mettre au jdr tout quand on y a jamais été initié, c'est déjà pas simple, mais à cette époque, c'était bien pire. En plus, la boite D&D ne se suffisait pas à elle-même, car vous étiez sensés posséder Chainmail (le wargame de Gary Gygax et Jeff Perren sorti en 1971) ainsi que Outdoor Survival Guide (un wargame de Avalon Hill). Si vous jetez un œil aux livrets originaux, vous comprendrez rapidement comme cela devait être très compliqué pour des néophytes. Je défie d'ailleurs quiconque d'arriver facilement à mener une partie de OD&D sans souci sans avoir déjà une bonne pratique.

Au passage, sur le D&D original, il n'y a pas écrit "jeu de rôles", mais "Rules for Fantastic Medieval Wargames Campaigns Playable with Paper and Pencil and Miniature Figures".

Malgré tout, quand on voit ces tout premiers livres soit disant tapés à la machine et assemblés à la main dans la cave de Gygax (c'est ce que raconte la légende mais pas certain que ce soit vrai), et qu'on imagine qu'à l'époque c'était un jeu jamais vu, ça fait quelque chose.

Toujours est il que c'est compliqué de se mettre à D&D. Gygax va charger un nouveau, un certain John Eric Holmes (psychologue à la base) de faire une boite qu'on qualifierait de nos jours initiation.

Holmes va principalement utiliser la boite de D&D et un peu le supplément 1 Greyhawk.

Dans la boite originale de D&D en effet, il n'y a que 3 classes: fighting-men, magic-user et cleric (le cleric est du à Dave Arneson au passage). Le thief (voleur) vient donc du supplément Greyhawk.

À l'époque, il n'y a que 4 races: humain, nain, elfe, hobbit (oui oui, hobbit, jusqu'à ce que des problèmes légaux arrivent et qu'ils le renomment halfling à partir de AD&D et de la boite en question ici, ainsi que les réimpressions de OD&D qui continuent quand même jusqu'en 1979, 3 ans après la fin de la "gamme").

L'humain peut faire toutes les classes, les nains et hobbits juste guerriers, et l'elfe peut changer à chaque début de scénario entre guerrier et magicien (il n'y a pas de règles de multiclassage à l'époque).

Et donc voilà pourquoi on va avoir 7 "classes" dans ce fork: clerc, guerrier, magicien, voleur (tous humains), et ensuite nain, elfe, halfling.

L'elfe est notamment pas mal retravaillé pour ne plus avoir à changer de classe, histoire de savoir utiliser la magie sans soudainement ne plus savoir se battre, et de pas attendre le scénar suivant pour ça surtout.

Le Basic Set débarque en 1977, et il va très très bien se vendre. Il va y avoir plusieurs impressions. On appelle cette boite le "blue box" à cause de son livret de règles en nuances de bleu (livret de 48 pages).

Il est certainement beaucoup plus accessible que OD&D, mais si vous y jetez un coup d’œil, on est encore loin de ce qui peut se faire par la suite. Certaines règles laissent même à désirer (l'arme la plus puissante étant la dague de très très loin).

Les premières impressions viennent avec les Dungeon Geomorphs Set One et Monster & Treasure Assortment Set One (deux suppléments typiques de ce qui se faisait à l'époque, avec des plans tout prêts et des listes de monstres et trésors tout prêt, très dispensable de nos jours et pas vraiment intéressant).

À partir de fin 1978, ils préfèrent inclure un module à la place, c'est le B1 In Search of the Unknown (dans ce qu'on appelle la version monochrome). Ce module est fait pour aider les MJs débutants à faire des donjons. Il propose une structure, un plan, etc, mais à chaque fois, le MD doit générer les monstres et les trésors.

(petite anecdote, dans ce scénario, étrangement, il y a une référence à Greyhawk. En effet il est proposé plusieurs localisations pour le scénario à divers endroits appropriés. Ces propositions vont disparaître quand le module sera réédité avec la couverture couleur par la suite).

Fin 1979 la boite est packagée avec le célèbre module B2 Keep on the Borderlands de Gygax au lieu du B1 (je reviendrai un jour sur les modules).

La boite vient aussi avec un set de dés, et il n'existe pas de d10 à l'époque. le d20 est utilisé à sa place. Apparemment, pour faire les dés au début, ils ont utilisé un fournisseur qui fabriquait des tétraèdres, hexaèdres, octaèdres, dodécaèdres et icosaèdres destinés à l'enseignement des solides platoniciens (oui le d10 est une hérésie). Je rajouterai quelques photos des sets de dés en commentaires.

À noter que dans certaines prints de ce Basic Set, ils avaient eu des problèmes d'approvisionnements en dés. Ils en ont donc vendu certaines avec des "chits", petits morceaux de cartons numérotés à découper, et à piocher au hasard pour déterminer le résultat à la place d'un jet de dés (chose qui intéressera les gros collectionneurs).

Cette boite ne permet de jouer que jusqu'au niveau 3. On est ensuite encouragé à passer à AD&D pour continuer à jouer au-delà. Mais ces boites se vendent comme des petits pains. Ils vont donc décider de permettre de continuer au-delà du niveau 3.

Pour cela, c'est Tom Moldvay qui va être chargé de retravailler le Basic Set, et Dave Cook va faire une autre boite pour les niveaux suivants (4 à 14), le Expert Set.

1981 voit donc débarquer une nouvelle boite Basic, celle qu'on appelle la "magenta box", avec un nouveau livret de règles (64 pages maintenant) et livrée aussi avec le module B2). La nouvelle boite Expert, communément appelée "light blue box", contient un livret de 64 pages, qui ajoute donc des règles supplémentaires pour l'exploration en extérieur, des nouveaux monstres, objets magiques, règles pour les personnages avec aussi les suivants qui apparaissent notamment à partir du niveau "titre", des conseils au maître de donjon, et une petite présentation du Known World qui va devenir l'univers par défaut de cette gamme (il sera renommé en Mystara que bien plus tard) où vont se dérouler les scénarios futurs de la gamme.

Dans cette boite, on trouve aussi le premier module de la série Expert, le célèbre X1 Isle of Dread.

Et ces boites cartonnent toujours. Ils ne vont donc pas lâcher le morceau.

En 1983 débarquent des nouvelles versions des Basic et Expert Set, retravaillées par Frank Mentzer, les très connues "Red Box" et "Blue Box".

La Basic change le plus, avec notamment le livret de règles coupé en deux, un livre pour les joueurs et un pour le MD. La boite est très didactique, avec des explications claires sur le jeu, un scénario en mode livre dont vous êtes le héros pour montrer comment ça marche, avant d'arriver à la création de personnages. Le livre pour le MD est lui aussi très didactique, avec un scénario donjon d'introduction dont le premier niveau est entièrement fait, le second il y a le plan et des indications sur comment le peupler, et le troisième est à faire complètement avec certaines indications malgré tout. À noter que ce scénario à été refait en 3ème édition dans le magazine Dungeon en 2007. Premier scénario que j'ai donc maîtrisé tout jeune, j'ai eu l'occasion de faire ce remake il y a quelques années (en D&D5 par contre), et c'était vraiment quelque chose niveau nostalgie.

1984 voit arriver la nouvelle boite suivante (toujours par Mentzer), la Companion (de couleur verte). Outre l'augmentation de niveaux (15 à 25) et les habituels nouveaux sorts/objets magiques/monstres, des nouvelles options pour les personnages (druide, paladin, et autres mystics), on a ici des choses très intéressantes comme la gestion des domaines (la boite Expert ne proposait que des tarifs pour la construction de châteaux) avec tout ce que cela implique, les invasions, les batailles rangées (avec un système de batailles de masse), épidémies, catastrophes naturelles, tournois de chevalerie et autres.

En 1985 arrive la boite Master (noire) qui permet d'aller jusqu'au 36 (le maximum humain et c'est déjà pas mal !). Outre les ajouts habituels et des gros classiques, on trouve des règles de compétences, des spécialisations martiales (mastery), des armes de sièges, et des infos sur le multivers, avec des infos sur les autres plans (même s'il y en a moins que dans AD&D), des règles sur le vieillissement des personnages, et la question des immortels est abordée.

Et pour finir, en 1986, c'est la boite Immortals (dorée, que je n'ai pas donc pas sur la photo) qui vient conclure cette série. Dans l'univers du Known World, point de divinités (choix certainement fait au départ pour s'éviter les foudres des ligues chrétiennes), mais des immortels qui règnent depuis d'autres plans. Il va être proposé aux héros ayant atteint le niveau ultime (36) de devenir eux aussi immortels et d'agir à un niveau cosmique.

C'est à partir de là qu'on parle de la gamme BECMI (pour Basic, Expert, Companion, Master, Immortal), mais pendant longtemps, TSR et Dragon magazine faisaient référence à OD&D comme le D&D Basic First Edition, la boite Holmes comme le Basic Second Edition, la Molday comme étant Basic Second Edition Revised ou Third Edition, et finalement la Mentzer comme étant la Third ou Fourth Edition... Pas simple...

Donc la gamme D&D a évolué en parallèle de la première édition de AD&D. À partir de la seconde édition de AD&D, on va avoir une compilation des règles des boites Basic/Expert/Companion/Master en un seul volume. Le Rules Cyclopedia sort en 1991. À noter qu'il y a quelques différences de règles par rapport aux boites précédentes. Il contient une présentation du Known World ainsi que des cartes.

La boite Immortals sera retravaillée à part dans la boite "Wrath of the Immortals" (1992) qui va modifier les règles, présenter le panthéon des immortels du Known World, et présenter une campagne (qui demande pas mal de boulot et de temps) mais ce qui est dommage c'est qu'elle n'est pas faite pour des immortels... La boite n’apparaît pas sur la photo car je ne l'ai pas non plus (et pas certain de la récupérer un jour celle-ci).

Il n'y aura plus trop de suivi par la suite, à part quelques nouvelles boites d'initiations ou quelques suppléments pendant quelques années, l'univers du Known World va donc être appelé Mystara et sortir pour la 2ème édition de AD&D (mais peu de choses sortiront avant qu'il soit abandonné mais j'y reviendrai une autre fois).

À partir de la 3ème édition, le fork se termine définitivement, et il n'y aura plus que Dungeons & Dragons.

 

In Memoriam
 
Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons.  Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie.  Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme.  Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal.  Il nous manque énormément.  En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques…