Une chronique de Jean-Luc Barbera
Aujourd'hui, nous allons parler de Greyhawk de façon générale avec les boites qui décrivent l'univers.
Il s'agit donc de l'univers de Gary Gygax, qu'il a développé dès le début des années 70 alors que D&D n'était pas encore paru. Mais à partir de 1976, le magazine Dragon arrive, et petit à petit, Gary va y parler de sa propre campagne et de l'univers qu'il a développé. Il s'avère que cela intéresse des gens qui demandent à en savoir davantage. Gary va continuer de distiller des informations, avant qu'il soit décidé de sortir l'univers de Greyhawk pour la publication. C'était une première, car tout comme les modules, à l'époque, on considérait que chacun allait écrire ses propres scénarios et faire ses propres campagnes et univers, raison pour laquelle le Guide du Maître contenait de nombreux conseils pour cela. "The World of Greyhawk" sort en 1980, qui n'est pas une boite pour le coup, mais un livret de 32 pages de background pour présenter l'univers avec deux immenses cartes, là aussi une première car TSR n'avait jamais fait imprimer de cartes aussi grandes. D'ailleurs l'univers est quelque peu différent de celui que Gygax et son co-dm Robert J. Kuntz ont développé. Ce qui a été décrit était en fait fonction de la taille maximum des cartes qu'ils allaient pouvoir faire imprimer. Et comme pour les modules, ils sont surpris par le succès. Le monde est caractéristique des goûts de Gygax pour l'histoire médiévale, il n'est quasiment pas manichéen, et même s'il est bien évidemment magique, on pourrait très bien y jouer sans aucune magie sans que l'univers perde de sa cohérence (il y a bien une ou deux bricoles liées à la magie mais cela reste relativement mineur dans l'univers). Le gris dans son nom correspond très bien à la réalité de l'univers qui est vraiment des zones de gris pour ce qui est de la moralité de la majorité des peuples (et c'est ce qui plait à un certain nombre de fans, qui vont être divisés par la suite, j'y reviens plus bas). La chronologie est ici arrêtée en CY576 (CY pour Common Year du nom du calendrier principal).
Beaucoup de choses sont mises en chantier, il est prévu de détailler l'univers et de l'étendre, mais cela n'arrivera jamais. Seule la boite "World of Greyhawk Fantasy Game Setting" parmi tout ce qui était prévu sortira (avec un peu de retard) en 1983. Les déboires de TSR qui ont failli couler à cette époque, et le départ de Gygax en 1985 auront raison de tous ces projets.
Avec cette boite, on quadruple quand même le nombre de pages du livret de 1980 (communément appelé "Greyhawk Folio"). Pour ceux qui trouvent que son contenu est léger, à l'époque, c'était une première. Il faudra d'ailleurs attendre 4 ans de plus pour que la boîte Forgotten Realms débarque avec 192 pages (contre 128 donc). Il y a quand même de quoi faire pour l'époque. Toutes les contrées de la Flanesse y sont décrites (on retrouve notamment le goût du wargame de Gygax avec les compositions des armées des différents pays), avec une histoire générale du monde, la météo est abordée, ainsi que le panthéon (on y trouve d'ailleurs les premiers clercs "spécialistes" avec des pouvoirs spécifiques en fonction du dieu, même si ce n'est pas encore formalisé et détaillé/systématisé comme par la suite) et même de la botanique avec un certain nombre d'arbres et de plantes imaginés pour l'univers.
Après le départ de Gygax en 1985, il y a une grosse pause dans la parution de produits Greyhawk. On pouvait même penser que cela en était fini de l'univers. Mais les productions reprennent, et en notamment, en 1989, sort un des nombreux produits hybrides 1e/2ème édition, avec "The City of Greyhawk" qui va décrire la fameuse Cité de Faucongris. On est ici dans les standards de l'époque, avec 192 pages de background (plus évidemment les plans et les feuilles cartonnées qu'ils faisaient beaucoup à l'époque). Le ville est détaillée comme jamais et est passionnante à souhait: histoire, quartiers, lois, système judiciaire, lieux particuliers, PNJs, intrigues, le tout toujours aussi gris comme il sied à Greyhawk). Il y ici de quoi jouer pendant des années. Certains gardent en référence Laelith comme madeleine de Proust, moi c'est The City of Greyhawk. Cette boite est un bijou pour les amateurs de l'univers. La chronologie est ici quelque peu avancée (CY579 de mémoire), et quelques éléments de background sont là pour justifier des changements de la 2nd édition (par exemple, la 2ème édition ayant décidé de se passer des pièces d'électrum, il y a eu ici une réforme monétaire qui a abandonné ces pièces qui deviennent obsolètes et sans valeur).
Enfin, après la "trilogie" WGS, débarque en 1992 la boite "From the Ashes", écrite par le très bon Carl Sargent (qui a d'ailleurs bossé aussi sur la boite de "The City of Greyhawk"). Elle met l'univers à jour suite à la Grande Guerre de Faucongris qui a eu lieu donc de CY582-584, avec une timeline en CY585. On est toujours dans les standards de l'époque, deux livrets de 96 pages, avec plein de cartes et fiches cartonnées. Le travail de feu Sargent est exemplaire, mais c'est là que la scission arrive chez les fans. Ce n'est pas la faute de Sargent (ce n'est pas lui qui a décidé de la Grande Guerre), mais beaucoup de fans reprochent de nombreux changements apportés à l'univers, les changements géopolitiques, et la plus grande importance de la fantasy, avec notamment beaucoup de diables et démons partout, qui ont été invoqués en quantité par les gros méchants de l'univers pendant la Grande Guerre. On reproche justement à cette période son plus grand manichéisme car on a beaucoup plus de factions "bonnes" opposées aux "mauvaises" avec leurs démons et diables.
D'autres embrassent les changements, et apprécient la manière dont l’univers est décrit et ce qu'il permet. En tous les cas, cette boite apporte du background totalement utilisable même si on veut jouer dans la période avant la Grande Guerre, sans parler du côté technique 2nd édition avec notamment les règles des prêtres spécialistes pour les dieux les plus importants et emblématiques de l'univers. Le monde changera encore par la suite, avec d'autres parutions, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.
In Memoriam
Jean-Luc Barbera était un roliste et un passionné de Donjons et Dragons. Il faisait partie, avec quelques autres passionnés, d’un groupe très confidentiel de collectionneurs de jeux de rôles dont j’ai le bonheur de faire partie. Il a partagé avec nous un certain nombre de chroniques dans lesquelles il retraçait l’historique du grand ancêtre du jeu de rôle, patiemment, gamme après gamme. Jean-Luc a été foudroyé par le COVID à l’âge de 46 ans en décembre 2021, laissant derrière lui un vide abyssal. Il nous manque énormément. En sa mémoire, je vais partager avec les lecteurs de ce blog quelques-unes de ses chroniques…

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