vendredi 24 juillet 2020

Sang & Honneur

 

Pour cette vingt-neuvième chronique de #1jour1jdr je vais revenir sur un jeu relativement récent et, à mon estime, injustement méconnu. Il s’agit de Sang & Honneur, de John Wick.

 
Vous avez tous entendu parler de John Wick. Je ne parle pas du personnage de tueur mafieux à la retraite qui part en vrille quand on tue son chien, mais de l’auteur américain assez prolifique qui nous a donné à la fois Le Livre des 5 Anneaux, les secrets de la 7ième Mer, et Dieux Ennemis ainsi qu’un certain nombre de trucs et astuces pour maîtriser (rassemblés dans deux petits volumes intitulés Dirty MJ). 
 
Parmi ses créations moins connues figurent House of the Blooded et sa version japanisante, Blood & Honor, traduit en français par Arkhane Asylum Publishing sous le titre Sang & Honneur.
En ce qui concerne la forme, Sang & Honneur est un petit livre de 240 pages, au format A5, très pratique à transporter et à utiliser. 
 
Le background du jeu est relativement flou : vous allez jouer des histoires de Samouraï, et plus précisément gérer l’évolution d’un clan dans un Japon médiéval fantasmé : autrement dit, le jeu ne se veut absolument pas historique ni réaliste. Vous allez jouer des haut-fonctionnaires du Clan, proches du Seigneur qui le dirige : général, bourreau, espion en chef, courtisan, etc.
 
Mais alors, si le background n’est pas extraordinaire, pourquoi je vous en parle ? Ce jeu vaut particulièrement le détour pour son approche des règles de jeu. Alors, attention, j’aime autant vous prévenir, si vous êtes fans du jeu de rôle à papa (ou à fortiori, à grand-papa), Sang & Honneur va vous bousculer rudement dans vos habitudes, et va peut-être même vous paraître daubé ou sans saveur (petite parentèse ironique : j’ai trop hâte de lire vos commentaires disruptifs à ce propos). Mais trêve de préliminaires et de précautions oratoires, passons au plat de résistance.
 
Dans Sang & Honneur, l’objet du lancer de dé n’est PAS de déterminer si l’action entreprise par un personnage réussit. L’objet de ce lancer va être la prise de parole. Si le jet de dé dépasse le seuil fixé, le joueur qui a remporté le jet décide de ce qui se passe, et prend le contrôle de la narration. Il peut décider que l’action réussit, qu’elle rate, et plein d’autres petits détails. A l’inverse, si le jet est raté, c’est le meneur de jeu qui prend la main… Et lui aussi, peut choisir dans quel sens la narration se dirige...
 
Bon, je vous sens confus, et vous vous dites sans doute : « à quoi bon, tout ça, les joueurs vont toujours vouloir que leur perso réussisse et ce sera l’inverse pour le meneur ? ». C’est pas tout à fait faux. Mais vous partez du principe que les personnages des joueurs vont être tout le temps d’accord entre eux. Or, c’est pas nécessairement le cas : chaque membre du clan peut avoir des intérêts qui lui sont propres et vouloir prendre le contrôle de la narration sur un autre PJ, ce qui va entraîner son lot de drama.
 
Par ailleurs, TOUS les jets répondent à cette règle, en ce compris les jets de connaissance du monde. Prenons un exemple : le maître de jeu vous décrit une matinée comme les autres, au château de votre seigneur, quand soudain, un visiteur se présente à la porte du château. Un joueur demande : est-ce que je connais cette personne ? Le maître de jeu lui fait lancer un jet de sagesse, qu’il réussit. Le joueur prend dès lors le contrôle : c’est LUI qui décide s’il connaît la personne, mais aussi le nom de cette personne, sa profession, et l’un ou l’autre détail supplémentaire selon le résultat du jet. 
 
Pour jouer à ce jeu, il va donc vous falloir des joueurs inventifs qui aiment improviser et adopter une posture de « réalisateur » par rapport à leur personnage et à la fiction, et il va falloir que vous appreniez à « lâcher prise », et à préparer vos parties… différemment.
 
Soyons clair, ce jeu n’est pas fait pour tout le monde. Les vieux grognards comme moi ont des difficultés à renoncer à leurs vieilles habitudes, et ont tendance à jouer eur personnage pour « gagner », ce qui n’a que peu d’intérêt dans le cadre de ce système de jeu, car celui-ci est conçu de telle façon que les jets sont « faciles » à remporter, de façon à faire tourner le droit parole et à permettre la construction d’un récit partagé qui soit à la fois prenant et original.

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